Gurgeh est l'un des plus célèbres joueurs de jeux que la Culture ait jamais connu. Il joue, gagne, enseigne, théorise. La Culture est une immense société galactique, pacifiste, multiforme, anarchiste, tolérante, éthique et cynique. Elle est composée d'humains, d'Intelligences Artificielles et d'espèces étrangères qui ont accepté ses valeurs. Elle cultive les loisirs et les jeux qui ont le statut d'un art majeur. Le Contact, service de la Culture spécialisé dans l'évaluation et l'infiltration de civilisations étrangères nouvellement découvertes, considère l'Empire d'Azad, terrifiant de puissance et de cruauté, comme un danger potentiel. L'Empire repose, historiquement, sur un jeu infiniment complexe dont le gagnant devient Empereur. Si bien que Gurgeh, contre son gré, manipulé mais fasciné par le défi, se retrouve à cent mille années-lumière de sa confortable demeure, devenu un pion des IA qui régissent la Culture et lancé dans le formidable jeu d'Azad. Avec la série de la Culture, Iain Banks renouvelle avec panache et humour l'aventure spatiale. Comme dans L'usage des armes, il construit une société d'envergure galactique, bigarrée, baroque et attachante qui deviendra une référence dans l'histoire des futurs.

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Review

La bonne SF distrait, la grande SF questionne.
je pense que c'est sur ce préambule qu'il faut entamer cette note de lecture de l'Homme des jeux.
En effet, dans ce roman, on est distrait, mais on est aussi instruit, sur des choses fondamentales : le rôle essentiel du langage et du jeu en tant que modèles de civilisation, l'humanité des machines et l'inhumanité des êtres vivants, et tant d'autre chose.
Mais commençons donc par un rapide résumé.
Dans la Culture, Jernau Gurgueh est un joueur-de-jeu, un homme habile à tous les jeux et reconnu, dans cette civilisation de l'abondance, pour cette qualité. On pourrait même dire qu'il en est un champion. Et comme tout champion, il s'ennuie, seul, sur le sommet inaccessible de sa gloire. C'est pourquoi, à la suite d'un enchaînement de circonstances spécial, se retrouve-t-il entre les mains de Contact, le sous-ensemble de la Culture désireux d'entrer en contact avec d'autres espèces interstellaires, pour aller disposer dans l'empire d'Azad des parties d'Azad, le jeu modelant et soutenant comme un squelette cet empire stellaire.
Sous cette apparence de space-opera "à l'ancienne", l'auteur tisse en fait une toile d'une finesse bien plus diabloique, nous montrant à la fois que le jeu est un langage aussi universel que le rire, mais qu'il est aussi une arme plus dangereuse, plus subversive, que la pire des guerillas.
Il nous montre aussi (parmi mille autre choses), qu'il ne faut pas lire ses romans uniquement au premier degré. En effet, dans celui-ci, si on peut tout d'abord s'émerveiller de l'habileté de Gurgueh, et des légères manipulations qu'il subit de Contact, un autre degré de lecture nous montrera une réalité toute autre : dans celle-ci, Flère Imsaho n'est plus un "simple" drone de Contact, mais une créature beaucoup plus perincieuse, qui jouera de Gurgueh comme celui-ci joue de ses pions. A un niveau plus élevé, ce même drone est lui aussi, évidement, le jouet des Mentaux les plus avancés. Mais il semble être au courant de cette réalité, sans pour autant savoir qui tire ses ficelles.
Ce qui est fou, en fait, c'est que cet effet de manipulation apparaît côté Culture comme côté Azad : dans les premières parties, on devine très bien qui manipule qui. Mais plus le jeu progresse, plus les fils tissés entre les pions sont fins, et plus j'ai pu doûter du rôle de tel ou tel personnage. Il en va ainsi du colonel enfermé dans sa prison mobile, ou du chef des services secrets.
Du coup, je ne sais pas qu'en conclure sur ce que Banks a voulu nous dire de la Culture, et de nous, mis à part évidement que chaque jeu, comme chaque langue, modèle notre esprit pour se jouer de nous. Peut-être a-t-il aussi voulu nous dire que la Culture, l'empire d'Azad, et les autres civilisations, donc évidement la notre, ne sont que des jeux dans lesquels nous sommes à la fois joueurs et pions ? Mais je crois que c'est encore trop simple pour cette oeuvre, dont je remercie encore une fois nathalie Labrousse de m'avoir conseillé la lecture il y a bien des années.
Une oeuvre que, d'ailleurs, vous devez absolument lire si ça n'est pas déja le cas. Elle recèle en elle tout le merveilleux de la science-fiction la plus achevée, en s'abstenant qui plus est de recourir aux artifices grossiers des batailles stellaires pour porter le jeu là où il est le plus beau, là où il devient le plus élégant, voire même le plus artistique : sur un plateau.