Sans parler du chien est un roman incroyable, captivant, d’un humour féroce, et totallement haletant.
Ce récit réussit le tour de force de transformer l’une des époques les plus guindées en le lieu d’une action soutenue, où chaque personnage a un rôle dont la précision et le tempo s’inspirent à la fois des romans policiers classiques et de la comédie de boulevard. Et si les références d’123715 et de 405801 (ou Labiche) nous viennent immédiatement à l’esprit, ce ne sont pas les seules. Ce roman repose sur un trépied composé des deux sus-nommés et d’un troisième, un peu plus inattendu, mais tellement visible : Retour vers le futur II.
4273 a repris l’intrigue à la précision diabolique, des répliques choc (c’est toujours le majordome, le coupable est le plus innocent de tous, le crime est en fait le second, et tutti quanti), et toute la base de l’intrigue, ainsi peut-être que certaines annonces de chapitres (je pense à ces énumérations de faits évoqués dans le chapître, qui me font un peu penser à Jules Verne). Du second, l’auteur reprend le jeu incessant d’entrées-sorties, l’enchaînement de scènes tout à fait grandioses, les pseudo coups de théatre, et surtout les personnages complètement allumés. Et du troisième, l’apport est incontestable : des voyages de temps en tout sens, une trame temporelle complètement désintégrée, et des personnages perdus entre leur passé, leur futur et leur présent. Cette liste, certes un peu longue, et à laquelle on se doit de rajouter Trois hommes dans un bateau, de 1212462, auquel ce roman emprunte notamment son titre, pourrait faire penser à un roman très marqué par ses références, et du coup un peu élitiste.
Or il n’en est rien ! D’une part parce que l’auteur a un style étonnant, marriant aux phrases allambiquées de l’époque la pensée très directe d’un personnage du XXIème siècle (qui joue le rôle d’un narrateur dépassé et déphasé). Et d’autre part parce qu’à ce style, il faut rajouter l’humour, très britannique, de toute l’histoire. Car du début à la fin, cette histoire baigne dans l’absurdité la plus totale : du héros envoyé sous les bombes en 1940 pour vérifier la présence de la potiche de l’évèque à la nécessité de sauver un chat pour rétablir le continuum spatio-temporel (rien que ça !), l’histoire sort de son lit pour tourbilloner follement autour de personnages principaux qui n’y comprennent rien, ne savent plus où ils en sont (ce qui est normal lorsque notre passé est leur futur), et pire que tout, perdent par moment les pédales. Alors si le voyage dans le temps peut être une chose sérieuse (comme le démontre par exemple
Un Paysage Du Temps), il peut aussi être quelque chose de complètement décapant (comme par exemple dans
Le Temps du twist). Cependant, on n’est pas ici que dans un jeu de voyage dans le temps, on est aussi dans une espèce de pièce de théatre, un jeu formidable auquel l’auteur nous convie, et que vraiment, vraiment, il serait dommage de refuser de participer.