Review
Ce roman se situe dans une vague de fantastique contemporain à tendance mystique assez intéressant. Jugez plutôt ... Il semblerait bien que Dieu se soit découpé en un nombre indéterminé d'entités divines (au moins dix-neuf). Et chacun de ces dieux a choisi au moins un "désigné" qui pourrait être vu comme son prophète, sauf qu'il ne prêche pas et ne tente pas de convertir les gens à son dieu. Il y gagne en revanche des présages et autres pouvoirs curieux.
Raylee, l'héroïne, est la désignée du dieu dix-neuf, et française. Originaire de la région de Perpignan, elle vit maintenant dans la maison des prières, installée dans le Cotentin, et financée par la fédération, qu'on pourrait voir comme la religion officielle de cette multitude de dieux. Elle n'y vit donc pas seule, mais ses cohabitants ne sont pas très sympathiques.
Je suis surpris d'avoir autant apprécié cette lecture.
En effet, l'étiquette polar a toujours tendance à me faire fuir : je n'aime pas trop l'idée d'une littérature qui explore obsessionellement les mauvais côtés de l'humanité, comme on explore une dent creuse.
Mais ici, il ne s'agit que d'une étiquette, puisque le coeur du roman est l'exploration de la relation entre un individu et son dieu, quel qu'il soit. Et même si ce roman se situe en France, et met en scène des personnages parfois athées, la spiritualité y est toujours présente et explorée avec beaucoup de finesse et de tact.
C'est bien sûr le cas du personnage principal, dont on explore l'enfance et l'adolescence. C'est aussi le cas du policier qui l'observe et se pose des questions sur ses rapports à la foi. Curieusement, ça n'est en revanche absolument pas le cas des frères Marshall, des personnages qui forment dans ce roman des espèces de soutiens, alors qu'ils ne le devraient pas.
Je dis ça, mais en fait, leur rôle évolue, et c'est assez normal pour un roman qui concerne des individus en cours de transformation. Attention, je ne parle pas d'initiation, parce que ça n'est pas le cas, pas plus que ça n'est un roman sur l'adolescence, alors que ça pourrait très bien. Non, je parle bien de transformation : la transformation des relations entre ces personnages, qui apparaissent au début du roman comme particulièrement stéréotypées est à mon sens un autre coeur du roman, puisque c'est en quelque sorte c qui permettra au conflit mystique de prendre une réalité relationnelle (qui vaut bien mieux qu'une réalité de conflit à base de combats, magiques ou pas).
Parce que bien sûr, il y a un conflit, un conflit qui est en fait une menace existentielle pour l'humanité, figurez-vous. Et curieusement, cette menace ne prendra pas corps dans le roman. Elle restera à planer, sombrement, pour donner une fin crépusculaire (et assez stylée à mon avis).
Et donc, j'ai bien aimé ce roman, qui raconte avant tout ce que peut être l’illumination en ces temps de fin du monde. C'est un authentique roman fantastique, et une vraie réussite.