Croyant avoir échappé à la tyrannie religieuse qui domine la Terre du XXXIe siècle par une affectation inespérée sur la planète Ozagen, le linguiste Hal Yarrow découvre que le pire de sa planète natale l'a suivi - Pornsen, son ange gardien personnel, à l'affût du moindre péché ou de la plus insignifiante pensée déviante. Conditionné par une vie entière de soumission, Yarrow accepte l'espionnage constant de Pornsen comme un mal nécessaire et se plonge dans l'étude du langage des Wogglebugs, la race insectoïde dominante sur Ozagen. Jusqu'à ce qu'il découvre Jeannette, une fugitive pas tout à fait humaine, cachée dans d'anciennes ruines construites par des humanoïdes depuis longtemps disparus. Pour un croyant comme Yarrow, toute relation non consacrée avec une femme est formellement interdite, et l'amour envers une étrangère impensable. Pourtant, les amants étrangers sacrifieront tout à une passion dévorante qui abolira entre eux les frontières du temps, de l'espace - et de la différence.

Review

J'avais écrit une première introduction de cet avis, dans laquelle je mettais en avant le côté historique de ce bouquin, mais je l'ai effacée. Non parce que je veux ignorer cette histoire, mais plutôt parce que je pense que d'autres sauront mieux la mettre en valeur que moi. Et maintenant que cette précaution est prise, je peux en parler librement.
Ce roman nous raconte donc les aventures de Hal Yarrow, linguiste en quête d'une autre vie, qui va avoir la chance de partir à la conquête d'un monde étranger, et surtout à la découverte de l'amour et du bon sexe(1).
A lire la quatrième de couverture, je m'étais attendu à un truc limite trop chaud pour être touché, d'un érotisme aussi prégnant qu'un fauteuil en rotin(2) ou qu'un essaim de nanomachines(3). Et en fait, pas du tout. D'accord, on voit souvent la maîtresse de notre héros de l'espace dans une tenue plutôt légère. Et d'accord aussi, dès qu'ils sont ensemble, elle ne pense qu'à le glisser dans son lit. Mais les détails salaces de leur histoire s'arrêtent là où commence le gonflement de son pantalon. Le reste est plus du domaine de l'amour et de la passion que de l'érotisme et du porno. Mais, bien sûr, ma perception de cette histoire est forgée par ma culture, et j'ai l'impression qu'avec le temps, nous avons basculés du côté des Worgs, ces extra-terrestres qu'étudie le héros.
Et à mon sens, c'est là une des forces de ce roman : ne pas être simplement la première histoire de sexe de la SF, mais plutôt un bon récit de SF éclipsé lors de sa sortie par son prétendu état de brûlot pornograhique.
En effet, hors de la sphère privée du héros, qui est mon sens l'évènement déclencheur d'une bonne partie du récit, on est ici face à une civilisation humaine puritaine, paranoïaque et agressive, qui considère comme hostile et relevant de sa zone d'expansion la planète où résident d'étranges extra-terrestres, pacifistes mais déterminés. Et cette tentative d'invasion, même si elle ne fournit qu'un décor aux problèmes personnels du héros, est assez intéressante dans ses inspirations et ses ressorts. Mais surtout, je trouve qu'on comprend assez facilement de quel côté se place l'auteur, dénoncant les dérives d'un état dictatorial et souhaitant s'enrichir du contact avec l'autre, quelle que soit sa forme et ses motivations.
Enfin, et puisque c'est à mon sens indispensable, je dois écrire un
mot sur la conclusion de cette histoire.
Une conclusion trop abrupte à mon goût, mais sans doute dictée par la nouvelle dont ce roman est tirée, mais saisissante. Saisissante par la justification que donne l'auteur à la mort de Jeannette. Saisissante par ce que ces révélations peuvent avoir de troublant par Hal Yarrow,
héros malheureux de cette histoire. Saisissante enfin par l'espoir qui apparaît lorsque le lecteur comprend que Yarrow va finallement accéder seul à une espèce de paradis copulatoire.
Pour conclure, je trouve que ce roman, même s'il apparaît désuet par de nombreux aspects (les trottoirs roulants, typiquement), reste un formidable message d'amour pour l'autre, et à ce titre devrait faire partie de toute bonne bibliothèque SF souhaitant sortir un peu des sentiers rebattus de la SF ligne dure pour s'intéresser au moteur de ces récits : l'humain.

* (1) Par opposition au sexe purement reproducteur, le bon sexe, lui, fait du bien aux deux participants
* (2) Tout dans cette allusion est une question d'époque (pensez à Emmanuelle, qui en son temps fit elle aussi monter la pression).
* (3) Ca, c'est pour les lecteurs de Thanatos