2031. L'effet de serre a provoqué des changements catastrophiques sur l'environnement. De gigantesques tempêtes s'abattent régulièrement sur le Middle West, des millions de personnes ont fui ces contrées désormais invivables. Mais faute de pouvoir maîtriser ces tornades, sans doute est-il possible de les comprendre. Et donc de les prévoir.

Telle est la tâche que s'est assignée le Front de tempête, une équipe d'informaticiens fantasques qui s'est mise à l'écart du «gros temps» de l'Histoire pour traquer les ouragans à bord d'engins bricolés à partir de surplus militaires, volants ou roulants, truffés de capteurs et de caméras.

Leur but ultime, leur Graal : étudier la tornade géante prédite par Jerry Mulcahey, le génial mathématicien qui leur sert de gourou, la fameuse F-6 qui purifiera définitivement ce monde malade...

Review

J’ai dû avoir un été extra-lucide. Parce qu’après avoir lu link:9782290309735.html[Titan], qui est une vision très anticipée des souçis de la NASA, j’ai lu link:9782070418343.html[Gros temps] de link:../authors/34429.html[Bruce Sterling], celui-là même de link:9782070423316.html[Schismatrice Schismatrice +] (fabuleux) et des link:9782070425587.html[mailles du réseau Les Mailles Du Réseau] (formidable). Bref, un auteur dont on pourrait dire avec peu de mauvaise foi que j’en suis fan. Mais là n’est pas l’objet de cet avis.
Gros temps est un roman qu’on pourrait décrire comme un “Twister” (le film sur les tornades) remis à une sauce cyberpunk. Dans ce roman, on suit un frère et une soeur, aussi déjantés l’un que l’autre, qui aident un scientifique pas mal non plus à traquer les tornades dans les vastes plaines du middle west, à la recherche de LA tornade, l’énorme, celle qui pourrait rester permanente (comme le dit l’auteur, exactement comme la tache orange de Jupiter). Je n’en dirais pas plus sur l’histoire, ça n’est pas vraiment nécessaire.
En revanche, le sujet choisi mérite l’attention. En effet, son histoire de tornade lue durant l’été m’a, cet automne, frappé comme une anticipation assez formidable de ce que provoquent les cyclones sur les côtes américaines. Pardon ? Ma comparaison ne tient pas de bout , Tant pis, je l’aime bien quand même. je sais bien que la puissance des phénomènes météo aux USA n’a pu qu’inspirer les artistes, mais j’ai bien apprécié cette vision fondamentalement contemporaine qu’a l’auteur à la fois de la météo, de ce qu’elle peut faire subir à un pays réputé puissant, et de l’impact qu’elle a sur tout un chacun. M’enfin, tout ça, ça n’est peut-être, malgré son intérêt, qu’un décor, un peu comme link:9782070421497.html[Le monde inverti].
Ce qui me fait également apprécier Sterling, c’est sa capacité à utiliser un décor, en adéquation avec un environnement techno-politique, qui ne peut que résonner à nos oreilles. Dans le cas présent, on retrouve des trouvailles propres au cyberpunk (la voiture sauteuse, les combinaisons caméléon, le réseau) dans un environnement très alter-mondialiste, je trouve, et du coup très approprié à la thématique du roman. Car finalement, cette tribu de chasseurs de tornades, qu’est-elle d’autre qu’une transposition, pour l’homme de la rue que je suis, de ces groupes survivalistes dont le message essentiel est “notre environnement mérite notre protection”. J’ai d’ailleurs été assez frappé par la similitude pouvant exister, dans certtains passages volontiers éco-guerriers, entre ce texte et certains passages de link:../series/Dune.html[Dune] (recyclage de l’eau et des déchets naturels, philosophie de la survie, etc, ...).
Quant à l’environnement proprement politique, c’est le bien connu et moult fois anticipé effondrement des Etats-Unis qui s’opère “par le bas”. C’est-à-dire que, par le moyen de la privatisation, Sterling développe le postulat, délirant mais finalement pas tant que ça, de la privatisation de … l’argent. Et d’un seul coup, l’Etat garantissant la monnaie disparaît, et ne devient plus qu’un fournisseur de services parmi tant d’autres. C’est sans doute la dénationalisation la plus terrifiante que j’aie jamais eu l’occasion d’envisager, parce que la plus réaliste. Une fois cet environnement mis en place, les personnages peuvent apparaître.
J’‘allais écrire que ce sont les seules déceptions de ce roman, mais en fait même pas. Car si les deux personnages principaux de l’intrigue ne sont que des pions, c’est sans doute une volonté délibérée de l’auteur qui nous permet de bien comprendre à quel point le noeud de l’intrigue n’est pas dans les occupations de ces pions, mais dans la puissance hors des proportions humaines que peut dégager la Terre. C’est, somme toute, très bien vu, non ? Car s’il s’était intéressé d’avantage au scientifique qui dirige ces chasseurs de tornade, peut-être que le récit aurait été moins subi, et que du coup la dévastation occasionnée par les tornades aurait été moins visible. Bref, c’est à mon sens un très bon roman, cyberpunk, mais pas trop.
Et, puisqu’on parle de Sterling, n’hésitons pas à forger le terme de cyber-écologisme. Mais, quelque soit l’étiquette sous laquelle on le range, ce roman est à mon sens à lire