Quel joueur cet Antoine Bello !
Ce roman commence comme une enquête policière de facture extrêmement classique : un coupable manifeste, un enquêteur motivé, et aucune piste. Mais très vite, ça dérape : l'enquêteur souffre d'amnésie antérograde (donc il ne se souvient pas de la journée précédente, uniquement de ce qui a précédé l'accident - dont on ne saura rien), et le coupable a une mémoire et une intelligence supérieure. Qui plus est, leur relation évolue rapidement vers une forme curieuse d'amitié, voire de complicité, voulue par le meurtrier. Evidement, tout cela ne devrait pas empêcher la recherche de la vérité.
Sauf qu'encore une fois, Antoine Bello est joueur, et préfère largement jouer avec nos attentes.
Par conséquent, l'enquêteur, qui est aussi le personnage principal, va rapidement dériver et nous emmener dans une série de digressions sur ses sujets préférés : Agatha Christie et Hercule Poirot. On aura donc droit à quelques explications de textes aussi subtiles qu'utiles au récit, puisqu'elles permettent souvent à notre enquêteur de remonter la pente de sa mémoire perdue.
Qui plus est, ces digressions vont nous permettre d'envisager cette enquête sous plusieurs jours incluant de façon non exhaustive les pistes suivantes :
- Le coupable a bien tué sa femme et l'amant de celle-ci
- Le coupable n'a rien fait, et sa femme est partie avec son amant
- L'enquêteur a tué la femme du coupable, et il en a perdu la mémoire
- L'enquêteur a absolument tout inventé
Et naturellement, ces thèses mutuellement exclusives sont totalement indécidables : il est impossible de déterminer laquelle est la bonne, si tant qu'il y en ait une bonne.
Tout cela est fort bien, et l'auteur joue magnifiquement avec mes attentes. Hélas, il y a une constante dans le roman policier avec laquelle il joue un peu trop, c'est celle de la résolution de l'enquête : la dernière page lue, le roman fermé, je suis incapable de décider quelle thèse est la bonne. Et c'est terriblement frustrant.