Vostok, Antarctique. L’endroit le plus inhospitalier sur Terre. Des températures qui plongent jusqu’à – 90 °C. En 1957, les Russes y ont installé une base permanente, posée sur un glacier de 3 500 mètres d’épaisseur, ignorant alors qu’à cet endroit, sous la glace, se cache un lac immense, scellé depuis l’ère tertiaire. Pendant des décennies, équipe après équipe, puits après puits, ils ont foré la glace. Pour trouver, peut-être, des formes de vie jusque-là inconnues.
Vingt ans après la fermeture de la base, un groupe d’hommes et de femmes y atterrit, en toute illégalité. Ils vont réchauffer le corps gelé de Vostok, réveiller ses fantômes. Ils sont là pour s’emparer du secret du lac. S’ils échouent, il ne leur sera pas permis de rentrer vivants chez eux.

Situé dans le même futur qu’Anamnèse de Lady Star, Vostok narre l’incroyable aventure d’une très jeune femme, Leonora, condamnée à laisser les derniers vestiges de son enfance dans le grand désert blanc.

Review

Ce roman est un voyage étrange au coeur de l'antarctique.
On y suit Leonarda (qui se fait appeler Leo), son frère mafieux une bande de quasi-criminels qui s'en vont sur la base de Vostok, perdue donc sur un plateau antarctique, à la recherche d'un secret caché dans les puits de carottage de glace qui parsèment la base.
Laurent Kloetzer y réussit un certain nombre d'alchimies particulièrement étonnantes.
Il y a d'abord la représentation de l'antarctique : le froid, le vent, le froid, la promiscuité dans des locaux russes à moitié défoncés, le froid, les jours polaires qui défilent à un rythme improbable, le froid, et la nuit polaire qui n'en finit plus, les couches de vêtements, le froid, et plus que tout, le froid pénétrant.
Il y a ensuite les personnages de Leonarda et Juan, qui sont de vraies réussites. Leonarda avant tout, qui porte le récit et murit presque à chaque page : elle passe facilement de la jeune fille profitant de Valparaiso à la prophétesse qui dit l'avenir. Et j'y ai cru. J'ai cru chacune de ces évolutions, dans cet espèce d'univers réduit à quelques préfabriqués et un environnement réduit à la glace. Son frère, Juan, est également stupéfiant. D'abord presque invisible, il prend dans cet univers en réduction une matière, une substance qui à la fin devient presque insupportable de densité. J'ai senti l'attention de Leonarda à son égard, sa façon d'être sensible aux frémissements d'humeur.
Les autres personnages sont également réussis, également vivants, même si ils sont nécessairement moins présents que ce duo qui porte l'histoire.
Il y a ensuite le récit de cette quête, construit à mon avis (malgré mon inculture dans ce domaine littéraire) comme une espèce d'ode à la parole réalisatrice : tout le monde part à Vostok simplement parce que Juan a annoncé qu'ils devaient y aller. De la même manière, c'est la parole de Leonarda qui va les en ressortir. Et les mensonges des uns et des autres ne sont que de peu de poids face à la vérité que porte cette parole. C'est, au sens le plus littéral du terme, stupéfiant. La quête en elle-même mérite le mot. En effet, rejoindre Vostok, y creuser un puits, n'est pas une chose anodine. Et c'est bien présenté par l'auteur, qui prend le temps de nous mettre face à la réalité de cet environnement qui pourrait être d'une autre planète.
Il y a enfin la façon par laquelle l'auteur lie ce roman à ses créations précédentes : ce ghost qui accompagne Leonarda et qui me fait penser évidement aux Elohims vus ailleurs, cette allusion à link:9782070469048.html[l'anamnèse de lady star Anamnèse de Lady Star]. Tout ça est subtil, bien plus que ce que Laurent Kloetzer a pu écrire précédemment (et pourtant, c'était loin d'être un bourrin de l'écriture). Et c'est tant mieux.
Ca fait de ce roman une oeuvre subtile, forte, intéressante.
J'aurais envie de lui reprocher une certaine vanité, mais j'en comprends l'intérêt : tout ce voyage mené pour ... pas grand chose, finalement, c'est assez bien vu. Mais je regrette que la fascination polaire ait peut-être pris le pas sur une certaine dimension intérieure. Pour le dire autrement, l'antarctique a peut-être trop mangé le récit, et n'a sans doute pas pu laisser la place à autre chose qu'un récit de voyage et d'aventure, certes parfaitement mené, mais manquant peut-être de sens. Ca n'en est pas moins une lecture d'une très grande qualité, hautement recommandable.