Review

Dans cet étrange roman, on suit les pas de Jack Glass, célèbre meurtrier aux indétectables couteaux de verre, dans trois parties de sa vie assez distinctes.
Dans la première, un pauvre hère se retrouve emprisonné avec six autres détenus dans un astéroïde qu'ils vont rendre habitables, dans une espèce de modernisation des travaux forcés à l'américaine. Avec beaucoup d'astuce et de cruauté (c'est le cliché du monde carcéral), il va s'en sortir
Dans la seconde partie, une jeune héritière va enquêter sur un meurtre dans son domaine, aidée de son majordome. Ce meurtre se trouvera relié au fameux Jack Glass et à l'invention d'un système de voyage supra-luminique ainsi qu'aux supernovae champagne - un phénomène astronomique tout à fait étrange. Ce meurtre conduira également à un peu d'instabilité politique.
Et dans la troisième partie, cette héritière résoudra un meurtre en chambre close, lequel aura lui aussi un rapport plus direct avec Jack Glass, le système solaire dans son ensemble, et la révolution.
J'avais entendu la salle 101 critiquer assez vertement ce roman et, au début, je n'étais pas tout à fait d'accord. Après l'avoir lu, je comprend qu'il existe plusieurs tensions dans ce roman, tensions qui sont expliquées dans éléments de postface de l'auteur qui a voulu rendre à la fois hommage à la SF de l'âge d'or et au roman noir classique en mettant en scène ces trois enquêtes dans l'espace. On se retrouve donc avec un décor très SF, mais avec des thèmes très classiquement noirs. Et du coup, il y a une impression de déphasage entre ce qu'on perçoit de l'environnement (la vide et le danger de l'espace, l'espèce de magnificence d'un système solaire peuplé de milliers de bulles habitées) et ce qu'on comprend de la structure du monde (une oligarchie parfaitement corrompue, dont la police n'hésite pas à tuer les pauvres gueux) et enfin ce qu'on voit des récits (trois enquêtes que n'aurait pas renié Sherlock Holmes, n'eut été le décor). Et je crois qu'en fait, avec cette tension, l'auteur a voulu se livrer à un exercice de style qui n'aboutit pas correctement. Parce qu'on sent les raccords entre les moments de SF et les moments de polar, et on ne trouve pas d'unité dans ce récit qui n'exploite correctement ni le genre policier, ni l'espèce science-fictive.
Et c'est bien dommage, parce que le roman est loin d'être dénué de qualité : les personnages sont nuancés et profonds, à commencer évidement par Jack Glass qui ne se laisse jamais révéler (sauf peut-être dans le dernier passage un poil ridicule), mais surtout, surtout, avec le personnage de Diana, qui ressemble à une Paris Hilton parfaitement pénible et superficielle, sauf lorsqu'elle se transforme en enquêtrice résolvant ses enquêtes grâce à l'interprétation de ses rêves.
Par ailleurs, l'auteur a, dans son écriture, quelques fulgurances littéraires absolument remarquables. J'ai parlé des bulles d'humanité dans le vide de l'espace, mais il y a aussi quelques scènes d'humains redescendant dans le puits de gravité terrestre et souffrant abominablement du poids de ce monde, ou parfois, des phrases décrivant un lieu, un sentiment, qui méritent d'être relues tant elles sont évocatrices.
Hélas, tout cela est noyé dans un monde poisseux (issu sans aucun doute du roman noir), sans la moindre grâce. Et les meurtres en elle-même, une fois enlevé les effets de manche de l'auteur, n'ont aucune espèce de complexité. Qui plus est, une bonne partie du roman tourne autour d'un Mc Guffin (le fameux système de propulsion supra-luminique) que l'auteur attribue au bon docteur Mc Auley (du nom de l'auteur de SF). Mais la ficelle me paraît trop grosse pour être honnête, surtout de la part d'un professeur de littérature ...
Pour conclure, c'est un roman contenant quelques très beaux moments, mais noyé entre des tensions irrésolues et assommé par une intrigue un peu simpliste et trop vaine pour être intéressante.