Review

Dans ce roman étrange, on s'installe sur l'île de Sheltel, pour laquelle le reste du monde a disparu dans la Grande Nuit, au moment où un bateau de pirates débarque sur la code.
Cette île étrange, qu'on découvre peu à peu, héberge deux peuples vivant en raisonnable harmonie. Et ces deux peuples respectent deux hiérarchies : on a d'un côté le Natif, censé être issu d'une ligne d'hommes-reptiles, et d'un autre la Bénie, offrant une forme de réconfort aux démunis. Et des démunis, il y en a ! Parce que cette île semble souffrir d'un sévère problème de densité de population, obligeant la Main, une espèce de sorcière, à limiter sévèrement la population en offrant à chaque naissance la nécessité de choisir une personne qui mourra.
Autant dire que l'ambiance est à la rigolade.
Et tout le roman est en fait à l'avenant : rien ne va bien, et les choses ne vont pas s'arranger.
Je crois qu'on pourrait voir dans cette histoire différentes métaphores : le capitalisme toxique, le péril climatique, et tant d'autres. Mais je crois aussi que ça n'est pas vraiment ce que cherche l'autrice. Parce que ces métaphores ne sont pas vraiment supportées par le récit. En effet, si il y a capitalisme et geste révolutionnaire, ça n'est pas vraiment le coeur de l'histoire. Et si l'environnement est dangereux, ça m'a plus rappel ce vieux bouquin de link:../authors/58.html[Franck Herbert Frank Herbert] : L'incident Jésus dans lequel l'environnement est dangereux, sans pour autant que ce soit autre chose qu'un élément de décor.
En vérité, je pense que ce roman est authentiquement ce qu'il prétend être : une histoire nous transportant dans un ailleurs improbable.
Et je ne peux pas dire que j'ai aimé ce voyage.
Parce que le roman est sombre, avant tout : les rues de cette ville semblent assez sinistres, et les personnages qu'on y croise ne vont pas bien : la Main est malade, le commerçant escroc est un vieillard qui ne veut juste pas sombrer, la jeune pirate ne va pas vraiment bien dans sa tête. C'est déja pas terrible, mais comme les figurants de ce récit sont souvent difformes, ou affublés de pouvoir les condamnant socialement, il n'y a pas vraiment de personnage éclairant cette histoire.
Qui plus est, à cette ambiance sinistre vient s'adjoindre une espèce de difficulté à comprendre la quasi-historicité : il y a une forme de magie, mais aussi une espèce de télégraphe et d'administration. Et le bateau des pirates reprend la vieille tradition maritime des voiles carrées (à croire que personne n'a vu de bateau depuis 1950 dans le monde de la littérature). Bref, le décor semble assez bancal. Pour tout dire, il sonne creux : l'île et ses lieux n'ont pas vraiment de présence. J'ai d'ailleurs eu tout le long du roman cette étrange et pénible impression de voyager dans un univers onirique, rempli de bizarreries inexplicables, d'objets se trouvant là pour le symbole plus que pour toute autre raison.
Autrement dit, je n'ai pas adhéré à ce roman de fin d'un monde. Ce sera peut-être votre cas.