Deux adolescents de 16 ans, Sam et Hailey, quittent tout pour traverser les États-Unis en voiture. Après leur rencontre épique, le coup de foudre qui les unit pour le meilleur et pour le pire, vient le temps de la fuite en avant, dans une Amérique contemporaine en constant bouleversement où, de rencontres en accidents, de surprises en déceptions, ils vont défier le monde adulte du haut de leur jeunesse folle. Un tel résumé pourrait laisser imaginer une sorte de road movie assez classique, dans la lignée de Kerouac – il n’en est rien, même si Danielewski s’inscrit clairement dans une tradition littéraire où planent les ombres de William Carlos Williams, Mark Twain ou Thoreau. Car l’auteur a mis au point, pour narrer les mésaventures de ces Roméo et Juliette d’un genre nouveau, un dispositif particulièrement ingénieux, servi par une langue où se donnent rendez-vous tous les champs lexicaux, tous les argots et toute l’invention verbale des adolescents du milieu du XIXe siècle à nos jours.
Le roman peut se lire « par les deux bouts », nous offrant presque en simultané les deux versions d’une même errance. Soit l’histoire vue par Sam, soit celle vue par Hailey – ces deux récits correspondant entre eux à de très nombreux niveaux : lexicaux, typographiques, narratifs, etc., dans un jeu d’échos à la fois savant et efficace qui confère au roman une dynamique des plus troublantes. La lecture devient ainsi une affaire de « révolutions », au sens copernicien, le lecteur devant sans cesse tourner le livre à 360 degrés pour passer d’un narrateur à l’autre. Mais Sam et Hailey ne se contentent pas de traverser le continent nord-américain : leur périple est également historique, chacun se voyant assigné, en marge, dans ce que l’auteur appelle des « chronomosaïques », une série d’événements, de données, de citations, qui, tel un murmure en coulisses, une voix de souffleur, déploient sous les yeux du lecteur presque un siècle et demi de l’histoire mondiale. Cette « histoire » parallèle débute du côté de Sam par l’abolition de l’esclavage aux États-Unis pour s’achever sur l’assassinat de Kennedy, date qui coïncide avec le début du récit de Hailey, lequel se clôt de nos jours.
Tour à tour – ou plutôt simultanément – rébellion contre un pays, une histoire, une langue, chant d’amour et chronique de la débrouille ordinaire, exploration des possibilités infinies du langage, O Révolutions est une odyssée proprement stupéfiante et jubilatoire aux confins de l’histoire et la conscience moderne. Enchanteur, captivant, et finalement dévastateur, O Révolutions ne ressemble à aucun autre livre. Véritable prouesse d’émotion et d’intelligence, le voyage de ces deux gamins, éternels adolescents baignés sous d’éternels cieux d’été, qui renoncent peu à peu à tout sauf à l’aimé, est proprement bouleversant.

Review

Oh bon sang quelle horreur !
Je gardais de cet auteur le souvenir de link:9782207252000.html[La Maison des feuilles] excellent, parce que foisonnant, profond au-delà de la maison qu'il visite, et parfois assez inquiétant.
Mais là, cet espèce de poème épique dupliqué entre les deux personnages est tout simplement illisible : one ne comprend jamais si les écrits de l'un sont le reflet inversé de l'autre, son opposé, son double, que sais-je encore.
Pire encore, les faits historiques massés dans la marge n'apportent à mon sens rien à la lecture (en fait, ils en cassent à la fois le rythme et le peu de lisibilité).
Bref, c'est un exercice de style de trop haute volée pour moi.