L'Étoile de ceux qui ne sont pas nésest l'un de ces livres qui jouissent, chez les critiques, d'une flatteuse réputation et qui se gagnent l'attention de nouvelles générations de lecteurs, curieux de vérifier si l'ouvrage justifie un tel enthousiasme.Soyons clairs : Frantz Werfel risque de désarçonner les lecteurs habitués à une SF moderne, même si F.W., le héros narrateur, est projeté 100 000 ans dans le futur. Appelé à rencontrer les habitants du monde "astro-mental" à venir, F.W. tente d'évoquer un monde qui meurt sous la botte nazie (le roman a été rédigé, entre 1943 et 1945, par un Juif de langue allemande qui a fui l'Autriche...).Celui qui chercherait dans ce livre un récit où l'action joue le moindre rôle, sera déçu. Impressionnante déambulation humaniste,L'Étoile...est un roman philosophique influencé par la tradition des utopies du XIXe siècle et l'œuvre de Wells. La fin du récit survenant, F.W. réintègre son époque. Le lecteur notera que le roman s'achève sur un mot : "conscience".

Review

link:../authors/57432.html[Franz Wertel Franz Werfel], ça vous dit quelque chose ? Moi, avant ce roman, ça ne me disait rien. Maintenant, je sais que c’est un auteur allemand du début du siècle précédent. Pas un auteur de science-fiction, non, un pur auteur de "littérature générale" ! Et cet auteur a écrit un roman, dans la tradition de 1984 ou d’autres. La différence, c’est que ce roman est une authentique utopie, et non une dystopie. En effet, le monde qu’il y décrit, placé à des milliers d’années dans le futur, est devenu nettement plus élégant, plus aristocratique, en quelque sorte. Dans ce nouvel univers, le narrateur, qui n’est autre que l’auteur, ne nous fera pas vivre de glorieuses aventures. il ne nous mettra pas plus en contact avec l’Innomable. Non. L’étoile de ceux qui ne sont pas nés est, comme le dit le narrateur, un roman de découverte, où il va peu à peu découvrir tous les aspects de la vie dans cette civilisation "astro-mentale"(1). Et cette civilisation, qu’il découvre doucement, tant ses appartées sont longues, est tout-à-fait originale dans quasiment tous ses aspects. Bien sûr, 14519681, qui a écrit ce roman entre 1943 et 1945 à Los Angeles, ne nous abrutit jamais d’imbuvables descriptions techniques. Au lieu de ça, il nous invite à partager son étonnement devant ce monde complètement étranger, où une herbe grise recouvre quasiment tous les continents, où les maisons sont enterrées, et où nul n’envisagerait sereinement de manger un gigot. Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas ici de spoilers, car ces éléments sont révélés dès le début du récit, pour nous permettre de mieux assimiler la suite des éléments du pouvoir temporel, spirituel et autres de cet étrange endroit. Car le principal écueil de ce livre, c’est peut-être sa principale qualité. En effet, l’auteur écrit très bien, et profite de la légèreté de sa plume pour plonger son lecteur dans des abimes descriptifs (au sujet desquels il s’excuse) ou des pensées sur ce bon vieux XXème siècle, qui font de ce livre foisonnant une espèce de pavé dont, au bout d’un moment, on se demande comment ou pourra sortir sans trop de soucis. Et c’est vraiment dommage. Car si ce livre avait été moins riche en digressions, la facilité d’écriture de l’auteur aurait pu en faire une oeuvre vraiment fabuleuse (même si le roman est, en l’état, déja très bien). Notez que ça n’ôte pas grand chose à mon enthousiasme à le recommander, je rajoute seulement à cette recommandation une exhortation au courage du lecteur : oui, ce roman est long, oui, certains passages sont parfois abscons, mais d’autres sont d’une telle beauté qu’il ne faut vraiment pas s’empêcher de découvrir une face complètement cachée de la littérature de l’imaginaire (car c’est le genre de bouquin où le termpe de science-fiction est manifestement hors de propos).
(1) Habituez-vous au terme, il risque fort de revenir régulièrement dans la conversation