Review
Ce roman est extrêmement bizarre, et ça va être difficile de résumer, mais je vais essayer quand même.
Dans une région désolée de l'espace, plusieurs mondes, ou vaisseaux, se tournent autour. Ces vaisseaux (d'une construction aussi biologique que mécanique) sont exclusivement habités par des femmes, qui en fait tentent d'y survivre. Parce que ces vaisseaux sont tous en train de pourrir sur pied. Et dans cet environnement bizarre, on suit deux femmes amoureuses qui ont mis en place un plan franchement compliqué pour tenter de régénérer, ou revitaliser, ou recréer un vaisseau. Hélas, ce plan est complexe (peut-être un peu trop), et l'une des deux perd la mémoire.
Et bien sûr, le roman commence après sa perte de mémoire.
Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce roman. Parce qu'il est terriblement incarné : les femmes qui y figurent subissent des blessures parfois assez graves, tombent enceintes de morceaux de vaisseau (et franchement, ça, c'est vraiment dégueulasse) ou se font recycler. Et ce recyclage est bien ce que vous pensez être : leurs corps encore vivants sont balancés dans une décharge ou d'étranges machines biologiques en arrachent les morceaux utiles. C'est insoutenable d'horreur ... Et ça n'est pas forcément le pire, puisqu'à cette horreur basique, animale, à base de corps traités comme des morceaux de viande, vient s'adjoindre l'horreur du plan mis en place, qui nécessite un nombre de compromissions morales absolument ahurissantes. Et le pire, c'est que l'objectif du plan reste nébuleux même une fois le roman terminé. Autrement dit, on sait que le plan a réussi, et on entend bien que quelque chose s'est passé, mais on ne sait pas quoi. Et ce flou-là est particulièrement pénible, parce que toutes ces luttes, tous ces combats, pour une conclusion qu'on ne comprend pas trop ... C'est éminemment frustrant.
Pourtant, il y a dans l'étrangeté de ce roman quelque chose d'absolument fascinant.
Par exemple, cette civilisation de femmes tombant enceintes sans savoir ni quand, ni comment ni pourquoi, victimes de leurs corps, est évidement un message fort de critique du patriarcat. Mais c'est aussi une vision du monde fondamentalement étrange, surtout quand elles accouchent de "choses" et qu'elles peuvent s'échanger leurs utérus pour le bien de leur vaisseau-monde. Et puis ce système de vaisseaux, entre lesquels il est facile et rapide de voyager sur des vaisseaux-pieuvres est une espèce de grappe spatiale qui ne ressemble à rien de ce que l'astrophysique peut promettre. Et je ne parle même pas des étranges peuplades habitant ces vaisseaux : des mutantes au corps petits ou gros, des tribus aux coutumes et croyances étranges, tout cela a clairement une forme de pouvoir hypnotique.
Même la relation entre les personnages est au-delà de l'étrange : cette relation amoureuse dans laquelle on devine bien des souffrances et bien des risques est de la plus classique toxicité. Tout comme les relations entre ces personnages et le reste de l'univers.
Autrement dit, tout dans ce roman est atroce. Mais de cette atrocité naissent parfois quelques passages ... surprenants: l'exploration de l'artère d'un monde, le premier vol entre les mondes, ou même un simple couloir.
Ca n'ôte rien à l'atrocité de cette histoire. Une atrocité, une horreur, qui n'est vraiment pas de mon goût : il y a évidement un voyage, mais c'est un voyage sans le moindre espoir, dont personne ne sortira sain, ou même libre. Et je suis peut-être un homme naïf (donc un tas de métaphores féministes m'ont évidement échappées), mais j'aime les histoires dont la conclusion porte une forme de résolution positive, ce qui n'est pas le cas ici.
Je ne peux donc pas dire que ce livre soit mauvais, mais plutôt qu'il s'agit d'une forme de littérature pour ceux qui aiment se faire arracher les tripes pendant la lecture.