Maitres du monde et mondes parallèles. Une mystérieuse organisation, le Concern, dispose du pouvoir de faire passer ses agents d'un univers à l'autre. Elle prétend s'en servir pour améliorer le sort de l'humanité. Ou mieux, des humanités. Elle encourage ici, elle élimine là. Mais le pouvoir corrompt, et un pouvoir absolu corrompt absolument. Par le créateur du cycle de la Culture, une variation fascinante sur le thème de la lutte éternelle entre le bien et le mal.

Review

Ce roman est, de mon point de vue, une sacrée déception sur bien des points.
Une déception formelle, parce que le narrateur est éminement peu fiable. Mais ça, en un sens, c'est une partie du jeu auquel Iain Banks joue avec le lecteur.
Une déception scénaristique, également, parce que bien des aspects du récit que j'aurais apprécié de voir développés ne le sont pas, au profit d'éléments plus ... lestes, qui sont eux détaillés avec un luxe dont je me serais passé dans certains cas (autrement dit, je veux bien qu'un roman évoque, même de façon spécifiquement pornographique, le sexe. Je ne veux en revanche pas que les scènes de sexe prennent le pas sur l'intrigue, et j'ai bien l'impression que c'était le cas.
Pour en revenir aux fondamentaux, ce roman raconte donc l'histoire de membres d'une organisation de voyageurs entre des mondes parallèles, des mondes parfois proches du notre, ou parfois plus éloignés (comme par exemple dans le cas de ce monde hanté par un terrorisme chrétien reprenant certains élements du terrorisme qu'on associe traditionnellement aux "groupuscules" "musulmans". Cette organisation est censée veiller au développement harmonieux des différents mondes auxquels elle peut accéder, mais peut avoir dérivé de son objectif initial pour un autre plus machiavélique (et je vous laisserai en découvrir les détails dans ce roman).
Pour en revenir à mon avis sur ce roman, je suis partiellement déçu, mais aussi ébahi par certaines fulgurances : la critique de notre système économique (les SA et SARLs considérées comme une authentique aberration), l'exageration de l'approche occidentale de la torture moderne dans la lutte contre le terrorisme, bref, tous les éléments critiquant notre culture la plus contemporaine sont absolument fascinants de profondeur, de justesse (à mon avis, évidement). Même si pour la torture, certains passages sont difficilement soutenables, non à cause de la cruauté des actes, mais du degré d'introspection du tortionnaire, qui n'hésite jamais à expliquer par le menu ses motivations ET ses ambitions en matière d'actes proprement dits.
En revanche, effectivement, je suis déçu par le déroulement de l'intrigue principale, qui nous balade dans bien des lieux - superbes ou horribles, et qui nous met face à bien des personnages, magnifiques ou ridicules, pour un but bien mal défini. Oui, bon, d'accord, Madame D'Ortolan est horrible et partisane d'une stagnation digne des IAs évoquées dans l'âge de la transcendance. Et elle est effectivement totallement dictatoriale, tortionnaire, et sadique. Cela dit, rien de tout cela ne suffit à voir l'un de ses assassins fétiches se retourner contre elle pour des motifs éthiques mal justifiés.
Pour finir, si la pré(post)face est largement documentée, il est dommage qu'elle ne pousse pas la comparaison entre cette oeuvre et celles de Charles Stross. Car si cet autre auteur n'a pas l'ambition démesurée de Iain Banks, son cycle des princes marchands, ou même Palimpseste, sont bien plus séduisantes dans leurs objectifs et leur réalisation.
Dommage, quand même, qu'il faille attendre la mort de cet auteur, que j'ai toujours considéré comme l'un des meilleurs, pour lire de lui une oeuvre simplement moyenne (ce que je trouve d'autant plus décevant d'un auteur que je continue à trouver absolument ébouriffant). Ca ne suffira pas à le faire redescendre de son piédéstal (parce que tous les auteurs ont des oeuvres moins bonnes). Mais je dois dire que les fulgurances ne suffisent pas à amener cette oeuvre au niveau du reste (la Culture, l'algébriste, ...)