La bataille de la Deisa - où le prince Valentin a disparu, défait par l'armée et la sorcellerie du roi conquérant Brandin d'Ygrath - a scellé le sort de la péninsule de la Palme. Longtemps déchirée par les querelles intestines de ses provinces-Etats la voici sous la férule partagée de Brandin et d'Alberico de Barbadior, tyrans et maîtres sorciers.
La résistance renaîtra d'une poignée d'hommes et de femmes conduits par le prince héritier Alessan, sous le masque de ménestrels et de marchands itinérants. Une longue et dangereuse croisade les attend, pour libérer la Palme et ramener au jour le nom même du pays de Tigane et l'éclat de son histoire, éradiqués de toutes les mémoires par la vengeance du roi sorcier.
Dans ce monde inspiré de l'Italie de la Renaissance, Guy Gavriel Kay compose une épopée fantastique d'une puissance et d'une originalité rares. Les passions humaines et politiques y vibrent à la mesure d'un grand roman d'aventures pathétique, qui se lit aussi comme une métaphore de l'impérialisme, de l'occupation, de l'exil en son propre pays et de la lutte de libération.

Review

Tigane nous raconte le combat de quelques personnes, dont un des princes de ce pays, pour que le nom de la Tigane, l’une des provinces de leur pays conquis par deux tyrans, puisse à nouveau être prononcé, suite au sort qu’a jeté l’un de ces tyrans sorciers pour faire disparaître la Tigane de tous les esprits. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que pour un roman de 900 pages, le lecteur n’en a pas vraiment pour son argent !
En effet, l’action (je parle de la vraie action, du "présent" de ce roman) peut se résumer en quelques lignes : le prince va tout faire pour que les deux tyrans se battent à mort, et il profitera de la confusion pour reprendre le pouvoir. Dit comme ça, ça va vite. Mais le roman est tellement emberlificoté de retours en arrière, de passages en avant, et d’introspection des personnages que c’en est pénible. On est ainsi témoin de scènes de plusieurs pages simplement parce qu’un des personnages va avoir une Révélation quant à son soi profond. ce qui devient assez rapidement lassant. Un autre point est beaucoup plus énervant, c’est ce tic d’écriture de l’auteur qui ne peut s’empêcher de dire à tord et à travers (enfin, peut-être pas vraiment) que tel ou tel personnage se souviendrait toute sa vie de ce moment, de cet instant qui a tout changé, alors que le lecteur ne sait pas de quoi l’auteur parle à ce moment-là, et qu’il va le découvrir dans les pages qui suivent. Cet espèce de teasing constant me semble tout à fait déplacé dans une oeuvre qui se veut d’une certaine envergure. Il y a néanmoins de bons moments dans ce roman, presqu’uniquement dûs à la plume de l’auteur, qui se révèle parfois très agréable lorsqu’il abandonne ses tics, et jamais du fait d’une intrigue particulièrement subtile.
Bien sûr, certains m’objecteront que ce roman nous narre simultanément ce qui se passe actuellement et ce qui s’est passé vingt ans plus tôt, lorsque les deux tyrans ont envahi en même temps (par un heureux hasard de narration) ce royaume mal défendu, en proie à de graves divisions, et peu au fait des moyens de se défendre. Mais à ceux-là, je répondrai qu’il ne suffit pas de multiplier les époques comme dans la bible pour faire d’un pavé un bon roman. Et c’est malheureusement ce qui arrive à cette histoire. J’eus apprécié que l’auteur évite de jouer avec sa plume et ponde un récit digne de ce nom, quelque chose d’un peu plus consistant qu’un synopsis de film à l’américaine.
Il y a bien sûr dans cette histoire un côté impressioniste, puisque les impressions et les sentiments des différents personnages sont rendus avec beaucoup d’application (mais hélas peu de talent). Malheureusement, on perd en netteté, et il est clair que ce récit se veut inspiré de l’histoire italienne de la renaissance, et donc (enfin, c’est ce que je suppose) éclairé par la doctrine de Machiavel, qui aurait permis d’avoir une intrigue un peu moins indigente. Au final, je suis franchement déçu par 6988, dont aussi bien Fionavar que Tigane m’ont paru assez peu vivants, et surtout très en-deça de ce qu’un vrai bon auteur aurait pu en tirer.