Jour après jour, nœud après nœud, Ostvan fabrique des tapis de cheveux comme son père l'avait fait avant lui, et son grand-père, car c'est très long la fabrication d'un tapis de cheveux. Surtout quand il est destiné à la demeure de l'Empereur, le Palais des Etoiles. Si long qu'il peut se passer des choses avant qu'on l'ait terminé. L'Empereur a peut-être même abdiqué entre-temps. Peut-être est-il mort, abattu par des rebelles ?

Review

Ce roman mosaïque(1) nous parle de gens qui tissent des tapis avec des cheveux, pour les envoyer à l’empereur de l’univers, censément pour qu’il en décore son palais.
Ceci n’est que le point de départ, qui va nous faire découvrir une réalité bien plus vaste et sordide que tout ce qu’on aurait pu imaginer. J’ai un avis des plus mitigés sur ce roman, voire même franchement négatif. Pourquoi ? Tout simplement parce que je n’ai jamais rien lu d’aussi déprimant que cette accumulation de désillusions, d’espoirs brisés, d’abattement et de fatalisme. En effet, on ne trouve dans tout le roman aucun intervenant qui ne soit content de sa vie, aucun qui puisse se satisfaire de ce que la vie lui offre, et même aucun qui ait une raison d’espérer que la vie puisse lui offrir mieux un jour. Et ça, c’est déja bien déprimant. Quand en plus chacune des nouvelles qui forme ce roman est une merveille d’abattement, lire ce livre commence doucement à ressembler à une plongée au plus profond des enfers de l’âme humaine. Enfin, on trouve dans tous ces récits de nombreuses morts injustes, et ce dès la première qui donne en quelque sorte le la de cette oeuvre qui transforme link:9782070415830.html[Kirinyaga] en une aimable bluette, et n’importe quel autre roman en une ode lyrique à la joie. Bien sûr, l’écriture d’Esbach est assez maîtrisée pour que chacune de ces nouvelles soit bien pensée, lisible sans problème, assez cohérente et efficace, au sens où la chute nous surprend et nous émeut. De plus, le talent certain de l’auteur pour tisser ces différentes nouvelles en un tout homogène permet d’obtenir un roman qui, comme les tapis qui en sont la pièce maîtresse, soit plus beau que chacun des nouvelles contenues. Mais cette qualité d’écriture ne suffit pas à faire de ce roman une oeuvre agréable à lire. Le fond en est tellement malsain, le fatalisme tellement prégnant, qu’on a du mal (ou tout au moins que j’ai du mal) à passer au-dela de l’impresssion morbide que dégagent ces putrides tapis de cheveux pour essayer de saisir le message de l’auteur. En clair, cette lecture m’a mis particulièrement mal à l’aise, elle m’a en quelque sorte étouffé, comme enterré sous ces tapis qui s’accumulent sans trêve.
Il s’agit cependant d’un bon roman, à ne pas lire lorsque tout va mal. Malgré tout, j’aurais du mal à le mettre dans mes meilleures lectures, peut-être parce que l’auteur, à force d’accumuler le glauque, le malsain et les personnages torturés, finit par dégoûter le lecteur d’un univers certes intéressant, mais déja mort.
(1) je préfère décidément les termes en français