Imaginez un procédé scientifique révolutionnaire permettant de retourner dans le passé. Une seule et unique fois par période visitée. Par une seule et unique personne. Sans aucune possibilité pour l'observateur d'interférer avec l'objet de son observation. Un procédé qui ouvre les portes de la connaissance, de la vérité, sur les périodes les plus obscures de l'histoire humaine. Plus de mensonges. Plus de secrets d'Etat. Avez-vous déjà entendu parler de l'Unité 731 ? Créée en 1932 sous mandat impérial japonais, dirigée par le lieutenant-général Shirö Shii, cette unité militaire de recherche bactériologique se livra à l'expérimentation humaine à grande échelle dans la province chinoise du Mandchoukouo, entre 1936 et 1945, provoquant la mort de près d'un demi million de personnes… Cette invention révolutionnaire va enfin permettre de savoir la vérité sur ces terribles événements, à peine reconnus en 2002 par le gouvernement japonais, et couverts pendant des années par le gouvernement américain. Quitte à mettre fin à l'Histoire…

Couverture: Aurélien Police

Review

J'imagine que vous avez déja entendu parler de cette histoire ...
Pour la faire courte, il s'agit d'une transcription écrite d'un documentaire télévisuel expliquant comment une avancée en physique fondamentale a permis d'aller explorer le temps, et en particulier le lieu de massacres de chinois par les japonais pendant la deuxième guerre mondiale.
Le récit est très court, mais quelques idées très subtiles surnagent habilement.
L'une des plus plaisantes pour moi est celle du concept même du titre : "la fin de l'histoire". Personnellement, je suis un partisan assez ferme d'une position naturellement extrême : l'Histoire en tant que fait n'existe pas. La seule chose qui existe, c'est l'histoire qu'on nous raconte, qui dépend du moment où on nous la raconte, de l'objectif des raconteurs (pardon, historiens), et de l'état d'esprit des auditeurs de la dite histoire. Du coup, j'étais assez sensible aux arguments évoqués ici concernant le besoin de savoir d'où on vient, la nécessité de conserver un récit historique, et autres fadaises.
Un autre élément fascinant est la notion de propriétaire d'un lieu historique disputé : qui aurait le droit d'explorer, par exemple, ma bonne ville de Lille à l'époque d'Henry IV ? La France (puisque nous y sommes maintenant), ou l'Espagne (puisque les flandres étaient espagnoles - relisez donc les bouquins d'link:../authors/20598.html[Arturo Perez-Reverte August Derleth]) ? Là-dessus, heureusement, ce livre ne tranche pas. Et c'est tant mieux, parce que moi non plus, je ne peux pas vraiment trancher.
Au-delà de ces points particulièrement intéressants, j'ai eu néanmoins quelques soucis formels. En effet, on tombe parfois sur des romans prenant des contraintes formelles ... compliquées. Ici, le choix de la retranscription d'un documentaire télévisuel m'a paru particulièrement mauvais. En effet, le documentaire est une forme limitant l'émotion transmise par divers moyens (la voix off et le doublage en étant les plus significatifs). Et choisir cette forme pour un récit aussi ... émotionnel m'a paru ... maladroit.
Enfin, le thème choisi n'est évidement pas neutre. Et en un sens, je comprend l'intérêt de l'auteur. En revanche, je regrette de dire qu'exposer la viande crue de corps humains martyrisés n'est peut-être pas la manière la plus appropriée, pour moi français sensible, de me faire sentir toute l'horreur de la situation. En effet, je suis dans ce cas plus dans l'incompréhension que dans l'horreur. Surtout lorsque l'interview d'un des bouchers vient montrer toute l'ambivalence de la situation : ils étaient des bouchers, mais leurs intentions n'étaient peut-être pas aussi mauvaises. Pour le dire autrement, je ressens là la même chose que lorsque j'ai lu Parade nuptiale qui parle tout de même de cannibalisme : la distance culturelle est trop grande pour me permettre d'être horrifié. je suis choqué, c'est vrai, mais autant par mon incompréhension des faits que par les faits eux-mêmes.
Autrement dit, c'est une lecture assez contrastée. Je ne saurais recommander ce livre, justement parce que la lecture en est si contrastée.