Review
Joe Abercrombie est un auteur qui sait me mettre mal à l'aise, mais d'une manière chaque fois différente.
Dans ce roman, le cercle du monde (déja vu dans sa première trilogie La première loi) commence à connaître les prémices de la révolution industrielle. Ca n'empêche pas bien sûr qu'aient lieu des guerres contre des ennemis moins industrieux. Et là-dedans, on retrouve comme d'habitude une galerie de personnages parfois héroïques, parfois parfaitement ignobles, mais toujours incroyablement vivants. Et cette fois-ci, on trouve dans les rôles principaux un prince héritier qui se sent indigne de sa place, la fille de l'insigne lecteur des premiers tomes qui est une féroce investisseuse, un guerrier combattant les nordiques, et une sorcière nordique subissant des visions. Ils vont bien sûr se croiser, voire même se rapprocher ... fortement.
Quand je lis des romans de cet auteur, je suis à chaque fois épaté par son talent, mais aussi gêné par sa capacité à passer son temps dans les bas-fonds de l'humanité. En effet, la plupart de ses personnages n'exposent que peu de qualités humaines : pas de héros courageux, généralement (bon, cette fois-ci, il y en a un, qui est toutefois un peu geignard), pas de volonté de changer le monde, juste la volonté, terrifiante, animale, de survivre. Et je crois que c'est la plus grande caractéristique de cet auteur : parler de l'animal humain dans tout ce qu'il a d'ignoble. La palme de l'ignoble revenant cette fois-ci à la description factuelle, qui pourrait même être encore réaliste de nos jours, d'une usine. Quelque part, la suite du roman, qui contient tout de même une révolte, et une bataille, n'arrive pas pour moi à égaler l'horreur que j'ai ressenti dans ce passage.
Heureusement, l'auteur arrive à faire passer la pilule par ses personnages, mais aussi par une écriture sacrément vive. On passe donc rapidement d'une situation horrible à une situation ignoble, mais tolérable. Par ailleurs, comme dans chacun de ses romans, ou presque, il y a une espèce de trajectoire croisée entre les différents personnages. C'est intéressant, voire même parfois assez drôle.
Oui, parce qu'évidement, l'auteur a le sens de la formule (en particulier avec le personnage particulièrement gerbant de Quatre-Feuilles, tourne casaque de compétition, lâche de qualité olympique, philosophe à ses heures) et arrive grâce à ça à faire passer quelques piques assez savoureuses.
Bref, une lecture tout-à-fait recommandable, si vous n'avez pas peur de vous enfoncer dans la fange de l'immoralité.