12 février 2013
sourceJe suis tombé, je ne sais plus comment, sur cet article de Télérama ce matin :
riduidel
Nicolas Delsaux
Très chouette article sur les soins paliatifs de la grande distribution "culturelle" http://t.co/OrN6WKe8 via @telerama
Qui m'a ensuite conduit sur ce mignon exemple d'internaute idéaliste qui se dit qu'on peut faire de l'argent autrement que de façon brutale. L'idée est séduisante, mais ne correspond à pas à la réalité économique expliquée dans l'article de Télérama. Et cette réalité, je me la suis prise en pleine tronche le week-end dernier.
Je sais pas si vous savez mais je suis lecteur de littérature d'imaginaire au long cours (au moins vingt-cinq ans, je pense). D'aussi loin que je me souvienne, la décomposition des deux genres phares (science-fiction et fantasy - qui s'est longtemps appelé médiéval-fantastique) était claire : la science-fiction était le genre dominant, et avait droit à son rayon de la FNAC, que la fantasy venait squatter gentiment. Gentiment parce que, si les auteurs sont différents (encore que George R R Martin ou Lois Mc Masters Bujold aient oeuvré avec talent des deux côtés - je ne vous ferai pas l'affront d'un lien vous expliquont qui sont ces auteurs essentiels à mon sens), on pourrait penser le ghetto comme partagé ... Il n'en est rien.
J'ai constaté, ce week-end précédent que, dans un but de rentabilité et de définition d'une ligne commerciale bankable, la FNAC avait séparé ces deux rayons et choisi le plus vendeur pour le mettre en avant. La fantasy a évidement été choisie.
C'est laid, et je m'en vais vous expliquer pourquoi.
Si ce sont deux littératures de l'imaginaire, et que Terry Pratchett s'amuse de leurs différences de surface et de leur fond commun, elles ont quand même des oppositions "philosophiques". En effet, la science-fiction est la littérature du futur quand la fantasy est celle du passé : si la première décrit un monde rêvé dans lequel tout est possible, la seconde nous décrit une époque dont on ne peut avoir que de la nostalgie et qui meurt. En d'autres termes, on pourrait voir la SF comme une littérature positive quand la fantasy, par ses thématiques passéistes (et assez souvent rances : les oppositions entre races intelligentes s'y finissent rarement bien, tout comme d'ailleurs les conflits qui ne se règlent que dans le sang) se révèle assez fataliste. Bon, je sais bien que ça n'est pas aussi simple, et que Maïa Mazaurette (par exemple) les rend identiquement pessimistes. Quand même, dans l'ensemble, la SF traduit plus une vision positive du monde, non ?
Je veux dire, vous connaissez beaucoup d'oeuvres de fantasy dans lesquelles la situation finale est une amélioration de la situation initiale ? (en dehors de Conan et autres oeuvres de l'âge d'or).
Ce choix de la FNAC de mettre en avant une littérature du passé est pour moi symptômatique de la France d'aujourd'hui (je ne dirai pas le monde, parce que je suis sûr qu'on est le seul pays assez ridicule pour se complaire à ce point dans le pessimisme morbide. Regardons les choses en face : les hommes politiques qui nous gouvernent n'ont pas de vision pour la France de demain, qu'elle soit politique, économique ou sociale, et nous, les citoyens, n'avons souvent pas le courage de nous dire "je vais le faire, parce que je le veux". Cet expression du vouloir c'est pouvoir a été remplacé par le consensus mou, la dictature beige dont Charles Stross parlait il y a peu.
Comment changer ça ?
Dans un monde réel où l'espace est inaccessible, où aucun rêve d'avenir ne peut être autre qu'une aventure économique (et j'ai pourtant beaucoup de respect pour ceux qui "montent leur boîte"), il reste quoi à ceux qui voudraient changer le monde ? Bien peu de choses, j'en ai peur.