Il est à noter qu'il s'agit d'une deuxième édition, rajoutant à l'originale (apparement) une post-face également savoureuse.
Les seigneurs du svastika est donc le roman posthume d'Hitler, honoré d'un prix Hugo. Il nous narre les aventures de Feric Jaggar, défenseur de la pure race humaine, pourfendeur des mutants, et libérateur de la terre.
A un tout premier niveau, on retrouve là le héros de sf classique, un peu analogue, par exemple aux loups des étoiles de 81563 (enfin, c'est le seul roman de ce type que j'aie dans ma bibliothèque) ou aux classiques de fantasy, dans lequel le héros passe son temps à découper des gobelins en rondelles (Conan, quoi). Feric est beau, c'est un chef naturel, et il pousse la nation de Heldon vers la pureté.
Mais ce premier niveau est complètement effacé par un deuxième niveau de lecture, beaucoup plus ironique, dû sans doute au nom de l'auteur. En tant que "citoyen du monde", on ne peut s'empêcher, à la lecture des descriptions que Hitler fait de son monde, à l'autre Hitler, à ses SS en uniforme noir de cuir brillant, savament rehaussé d'argent, à ses svastikas sur fond rouge, ou noir, ou blanc, et à ses meetings politiques monstrueux. A ce titre, Rêve de fer est une métaphore historique brillante (enfin, pour ce que j'en sais) racontant avec talent l'ascension d'un jeune immigré, qui va réussir à entraîner dans une orgie de destruction tout son peuple.
Bien sûr, ce roman a quelques défauts, inhérents à son besoin de trouver une fin de récit digne de ce nom. J'ai d'ailleurs ressenti, dès le milieu de ma lecture, un certain épuisement à force de voir Feric, massue à la
main, terrasser des mutants toujours plus innombrables, toujours plus stupides, qui n'ont jamais compris qu'il suffisait de l'assomer sous la masse pour le vaincre. A ce titre, les différentes batailles sont tout bonnement édifiantes. Et le lecteur, quel qu'il soit, ne peut, à mon avis, réprimer un frisson de dégoût devant l'indéniable sang-froid dont font preuve ces étranges SS.
Enfin (si je puis dire) il existe encore un niveau supérieur, principalement explicité grâce à cette postface, dans laquelle
Philip K. Dick, alors que tout le roman s'attaque vigoureusement à au nazisme, choisit
cette fois de concentrer ses attaques sur la moralité parfois douteuse évoquée dans les oeuvres de SF, ainsi, je pense, que sur la manière dont les critiques de SF ont pu, à un certain moment, tenté d'analyser les oeuvres de ce genre à travers des métaphores plus ou moins réussies (voilà qui ajoutera indéniablement de l'eau au moulin de Yann, mais il n'avait pas besoin de ça).
Tout cela fait au final de Rêve de fer une oeuvre assez étrange, pas loin d'être une critique ouverte du milieu de la sf, le tout habilement déguisé derrière une critique en forme de brûlot de l'idéologie nazie. Je
ne le qualifierais pas de roman magnifique, mais c'est uen oeuvre troublante, qui mérite largement d'être lue.