Sur Luna, Hildy Johnson est journaliste à Tétinfos. Il est chargé d'écrire une série d'articles sur les différences entre la vie sur Terre il y a deux cents ans - avant son invasion par de mystérieux extraterrestres - et la vie sur la Lune telle qu'elle est aujourd'hui. On y change de sexe comme de chemise, on y assiste à des matches de catch ultraviolents et mortels, alors que la mort même a presque été vaincue, le tout sous le regard bienveillant du superordinateur chargé de gérer la colonie lunaire. Celle-ci semble être l'utopie parfaite, et rien ne vient gripper les rouages de cette remarquable organisation. En apparence, du moins... Avec Gens de la Lune, roman de science-fiction monumental, John Varley poursuit sa fameuse série des Huit mondes, entamée avec Le Canal Ophite. Il livre, au passage, un hommage à Robert Heinlein et, plus particulièrement, à Révolte sur la Lune.

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Review

Dans ce très épais roman de John Varley, on suit les pas de Hildy Johnson, célèbre reporter d'un journal du futur. Peu à peu, on en profite pour découvrir cette Lune du futur, qu'on pourrait décrire assez facilement comme un futur possible de Révolte sur la lune. Bien évidement, un futur assez différent (après tout le Robert A. Heinlein et ce livre de Frank Miller n'ont pas été écrits aux mêmes époques), mais quand même, un futur plausible.
Donc on suit ce reporter dans ses différents reportages. Ou plutôt, on écoute ce qu'il/elle a à nous dire sur son époque et sur ce qu'est la vie sur la Lune.
Parce qu'il ne faut pas se leurrer, ce roman n'est absolument pas construit selon la trame typique d'un roman de SF, mettant en scène une menace (réelle ou imaginaire) contre laquelle le héros se débat. Non, il s'agit plutôt des chroniques d'un reporter en temps de paix, nous racontant par le menu sa vie lunaire.
Oh, bien sûr, Hildy va vivre des temps intéressants, mais c'est le lot de tout bon reporter, j'imagine. Et pour respecter la trame narrative, je ne vais pas vraiment m'appesantir sur ses aventures, même si certaines sont particulièrement édifiantes.
Ce qui rend bien évidement difficile la suite de cette chronique, mais je m'égare peut-être.
J'ai trouvé ce roman très intéressant, peut-être avant tout par sa structure de chronique, ne s'attachant pas à un événement particulier, mais plutôt à une époque charnière dans la vie d'un de ces lunatiques quasi-immortels. En effet, le principal sujet de ce roman n'est autre qu'Hildy, et l'évolution de son état d'esprit, d'une forme de folie à une autre.
Oh, bien sûr, la Lune du futur permet à l'auteur de glisser moult inventions plus ou moins bien trouvées (David Terre, le slash-boxing, les heinleiniens, ...). Mais avant tout, ce qui fait (à mon sens) toute la singularité de cette histoire, c'est que, alors qu'Hildy ne fait jamais d'introspection ou presque, tout le but de ce roman est de décortiquer ses sentiments, ses ambitions, et ce qu'il/elle va devenir.
Pour moi, plutôt habitué à une SF beaucoup plus orientée vers l'action (qu'elle soit physique ou intellectuelle), c'est un changement énorme et risqué.
J'ai en effet des souvenirs plus que mauvais de la plupart des récits ayant prétendu me montrer ce qui se passer dans la tête des héros, (comme par exemple - dans un autre registre - l'apprenti assassin), et j'ai du coup des à-priori négatifs sur ce type de récit.
Là, comme je le disais plus haut, Hildy ne fait pas d'introspection, mais nous montre pourtant, de par sa vision du monde, son état d'esprit. En tant que simple lecteur, je suis assez ébahi de voir à quel point l'auteur m'a permis de rentrer dans la tête de son personnage principal sans jamais en avoir l'air. Et cela, à mon sens, suffit à faire de ce roman une lecture intéressante.
S'il n'y avait que cet intérêt, ça ne suffirait pas. Heureusement, le caractère de Hildy rend ses péripéties vivantes, et d'autant plus agréables à lire que son caractère nous dépeint la vie lunaire avec un oeil assez attentif, malgré son cynisme évident. Ca ajoute au récit une touche d'humour très appréciable, surtout lors de certains passages pas évidents à retranscrire.
Enfin, cette ordure d'auteur sait faire miroiter à ses naïfs lecteurs une conclusion très heureuse, quand elle est juste pathétique, grâce à un retournement de situation final très intime et très déstabilisant (autant, en fait, que ce que peut faire 1655 dans les noces pourpres).
Ce dernier rebondissement ajoute la touche poignante qui aurait sinon manqué pour en faire ce qui se révèle pour moi une lecture suffisamment bonne pour que je reprenne un peu de Frank Miller et, en bonus, un peu de Robert A. Heinlein.