In the high-tech twenty-first century, a family of "corporate associates" descends into an underworld of data pirates and bootleg biogenetics to discover the identity of new-order terrorists.

Review

Sterling est un des grands du cyberpunk, et ce roman nous le prouve. Alors que d’autres nous propulsent allègrement dans un futur post-gouvernemental où les "corpos" font la loi, Sterling, lui, préfère s’intéresser au basculement, et c’est à ce moment précis que se situe l’intrigue des Mailles du réseau.
Dans un monde où les entreprises prennent de plus en plus d’importance, Laura Webster est l’une des associées d’une démocratie économique, la puissante multinationale Rizome. Et en tant que membre influent, elle a l’insigne honneur d’accueillir une réunion de pirates informatiques, qui cherchent "ensemble" à lutter contre un ennemi invisible, dont on prévoit que la menace ne tardera pas à grandir. Le roman débute comme une tranche de la vie quotidienne au XXIe siècle, continue un bon moment comme une course à travers les planques de données, pour se terminer dans une Afrique ravagée par la guerre, la famine, la maladie, bref, les calamités africaines classiques. Et naturellement, chacune de ces parties possède un rythme et une construction propres, qui font doucement perdre pied au lecteur, lequel se retrouve quasiment dans le même état que l’héroïne : déstabilisé, bousculé, chahuté par ce monde réellement futuriste. Certains pourront être déroutés par la multiplicité de l’intrigue.
Cependant, si l’action ne se déroule que dans quelques décennies, et si les structures sociales de base restent inchangées, on trouve dans ce roman une extrapolation tellement logique du quotidien, du contexte politique, voire des technologies (mais c’est nettement moins sûr, étant donné l’imprédictibilité du progrès technique) que c’en serait presque inquiétant, si Sterling n’avait pas le talent qu’on lui connaît pour nous familiariser avec cet univers. Par exemple, Rizome est à elle seule une vision d’une conception extrêmement futuriste, mais en même temps tout à fait dans le droit fil de l’esprit actuel: une société capitaliste mondialisée, où tous les processus de décision sont soumis au vote, et où les grands chefs prennent grand soin d’apparaître comme des gens du commun, c’est assez étrange, et pourtant tellement désirable !
Et il y a dans ce livre tant d’autres idées fascinantes ! Sur ces quelque 500 pages, on est bercé par ce futur, envoûté par les découvertes qu’on y fait, mais également par quelques technologies insolites (comme par exemple la téléconférence avec animateur).
Pourtant, si le décor est beau, l’intrigue en perd du coup un peu de sa lisibilité, alors même que sa complexité politique mérite qu’on s’y attache. Il y a derrière les aventures de Laura Webster plusieurs aspects politiques fort intéressants, qui sont plus ou moins apparents dans le récit : l’aspiration à un monde plus sûr et délivré des états voyous, le désir de supprimer la menace nucléaire, mais aussi d’éviter les effets pervers de la dérégulation économique totale. Ces différents thèmes, bien que très intéressants, ne sont peut-être pas traités de manière assez détaillée. Cependant, saluons la clairvoyance de Sterling, qui a su anticiper dès 1988 bon nombre de problèmes qui font notre actualité, et notamment les risques de la lutte anti-terroriste, aussi dangereuse, par ses moyens et ses buts, que l’ennemi qu’elle combat.
Globalement, Les Mailles du réseau est donc un roman captivant. Un signe qui ne trompe pas : j’ai, pour la première fois, loupé mon arrêt de RER à Gare du Nord, ce qui m’a mis en retard d’un quart d’heure, mais m’a permis d’avancer d’autant dans ma lecture !