Chef-d'œuvre mythique et singulier de la science-fiction, le cycle des Seigneurs de l'Instrumentalité compose au fil de ses tableaux une légende des siècles futurs, empreinte de poésie et d'une profonde humanité. Une vision inoubliable de notre avenir, d'une ambition comparable au Fondation d'Isaac Asimov ou à L'Histoire du futur de Robert Heinlein, complétée au tome IV de Concordance, essai inédit d'Anthony Lewis, nominé au prix Hugo 2000, qui analyse tous les personnages, lieux et éléments apparaissant dans cette gigantesque histoire du futur.

Review

Premier des tomes de la nouvelle édition(1) des Seigneurs de l’Instrumentalité, ce recueil de nouvelles (on pourrait presque dire fix-up) nous dresse un portrait du futur proprement fascinant : partant de la guerre froide, les différentes nouvelles détaillent les étapes qui permettront à l’humanité de se libérer des chaînes de la mortalité, du système solaire, et peut-être même celles de sa propre humanité...
Ce qui est, dès le départ, très intéressant, dans ce récit, c’est qu’à chaque fois l’auteur prend le parti de désorienter son lecteur. Ainsi, la toute première nouvelle nous présente des russes proprement héroïques, travaillant véritablement pour le bien du prolétariat, alors que leur invention, capable de contrôler et de dominer les esprits, semble tout à fait machiavélique dans ses principes et ses buts. De la même manière, il est très difficile, je trouve, de percevoir l’héroïsme dont font preuve les sondeurs qui donnent leur nom à ce recueil, quand bien même on en comprend en partie la cause. J’ai pour ma part énormément apprécié cette désorientation, provenant aussi bien de l’univers développé (entre les sous-êtres, les robots, les humains véritables et autres créatures étranges, on a parfois bien du mal à s’y retrouver) que des récits proposés (de très belles et très poignantes histoires de couples, de cruelles mésaventures arrivant parfois aux plus malchanceux, quelques beaux moments de bravoure pouvant montrer les chats sous un jour honorable), et qui permet à Cordwainer Smith de donner la pleine mesure de son énorme talent. Je n’ai finallement qu’un seul bémol, concernant les deux dernières nouvelles qui, si elles offrent une intéressante ouverture vers des problèmes éthiques (un robot est-il un humain ?) ne m’en semblent pas moins un peu inférieures, ou tout au moins très différentes du ton donné durant tout ce recueil. Au final, ce premier tome est à mon sens (et j’ai bien l’impression que c’est partagé, au vu des réactions lors de mon dernier mercredi Lillois de la SF) l’un des chefs d’oeuvre de la SF, par la sensibilité et le goût de l’anticipation qu’il montre. En tant que tel, il est une lecture indispensable à tout lecteur du genre.

(1) J’avais en effet un souvenir fort ancien d’une édition, parue chez Pocket, en trois tomes de ces mêmes Seigneurs de l’Instrumentalité. Pourtant, il semble que la nouvelle édition soit bien mieux fournie, dispose également d’une traduction revue, bref, soit mieux.