Review

Ce recueil commence par une reprise sous une forme légèrement différente d’une nouvelle déja parue dans le premier tome(1). Et, même si l’histoire m’était déja connue, j’ai été très heureux de découvrir cette variation sur un même thème que Cordwainer Smith arrive à rendre si différente tout en restant si semblable. Et encore, c’est à mon avis la nouvelle la plus mineure de ce recueil. Par opposition, la nouvelle éponyme du titre construit, en un nombre très réduit de pages, une vision très concrète et élégante de ce que peut être ce cycle : un mélange raffiné d’humanisme, d’amour et de poésie dans un monde qui serait sans cela tout à fait brutal. Car la planète Shayol ne peut qu’être qualifiée de brutale, avec ses étranges organismes … Et c’est bien la profonde humanité de chacun des personnages qui rend ce monde supportable. De la même manière, la série de nouvelles qui conclut ce recueil est elle aussi très intéressante, par l’image que donne l’auteur d’une vengeance accomplie. Mais finallement, tout ça, toutes les trames de ces nouvelles, si diaphanes, tous ces personnages, si éthérés, ne sont peut-être que des voiles tendus pour permettre au lecteur d’approcher plus délicatement le véritable héros de ce cycle : l’Instrumentalité elle-même, et son rapport avec les sous-êtres(2) et les robots. Il est d’ailleurs intéressant de noter la pudeur avec laquelle l’auteur choisit d’aborder ce thème, central à mon sens dans les différentes parties qui composent son récit, de l’émergence d’une nouvelle race d’humains et de leur accession, espérée par le lecteur aussi bien que par ces sous-êtres et certains seigneurs de ‘linstrumentalité, à une forme de citoyenneté égale à celle des véritables humains. Finallement, l’une des grandes leçons de ces recueils est qu’il existe encore, et qu’il existera sans doute toujours, des livres qui sont des expériences à vivre pour chaque lecteur, tant ceux-ci ont la possibilité d’être intimes avec le lecteur, et de transformer par la finesse dont ils font preuve sa vision du monde. Et bien sûr, je ne peux que conseiller le plus fermement la lecture de tout ce cycle aux rares qui l’ignoreraient encore.

(1) Et sans que je sois capable de dire laquelle des deux versions est la meilleure, tant les différences sont subtiles et les conclusions intéressantes dans un cas comme dans l’autre.
(2) A propos desquels il serait à mon sens futile de ne pas voir une métaphore du traitement de certaines populations américaines au siècle dernier, mais c’est là une interprétation toute personnelle.