Certaines propositions ne se refusent pas. Même lorsque vous êtes une très vieille eco-warrior acariâtre et à l'agonie, même si l'offre va à l'encontre de tous les idéaux que vous avez défendus pendant des années : le transfert de votre esprit dans un nouveau corps. Mais ce n'est pas n'importe quel corps qui attend Ann Kelvin, c'est celui d'un grand cachalot, un des derniers de son espèce.

Authors

Review

Je crois avoir déja dit que j'étais généralement peu fan des recueils de nouvelles, même si ceux que j'ai lu m'ont semblé dans l'ensemble plutôt corrects, voire parfois excellents (celui de link:../authors/25376.html[Ian Mc Donald Ian McDonald], par exemple).
Donc, j'ai entamé cette lecture avec un oeil plutôt circonspect qui a s'est trouvé totalement convaincu par la première nouvelle. Je vais d'ailleurs détailler les différentes nouvelles ...

La Vieille Anglaise et le continent


Une belle nouvelle, mêlant l'amour usuel pour les cétacés avec des thèmes plus sombres : l'exploitation de clones comme réservoirs d'organes (comme dans link:9782266098038.html[La Proie des Rêves]) et la destruction de notre environnement. Pour moi, le meilleur dans cette nouvelle, c'est clairement le thème de l'intelligence cétacée, vue avec beaucoup de finesse.

Aria Furiosa


De l'amour, de l'art, des homosexuels au temps des nazis, tout cela forme une ambiance très créupusculaire. Le traitement d'un fantastique très léger de cette vengeance artistique est absolument spectaculaire. Et puis d'un point de vue purement esthétique, Paris sous la botte des nazis est une espèce de beauté morbide qui me fait toujours frémir.

Saint-Valentin


J'ai eu un peu de mal à cerner cette histoire, qui met aux prises une femme de serial killer souhaitant une vie plus "normale" avant de se rendre compte que la normalité est le nom de l'enfer. C'est sans doute aprce que je sais ça que j'ai toujours du mal avec ces histoires où les gens doivent faire l'effort de comprendre cette évidence.

Paso doble


Cette histoire de corrida futuriste fait écho à la première nouvelle, puisqu'elle réutilise le transfert de l'âme dans un animal, cette fois dans un but bien plus instinctif (je ne dirai pas bas, parce que je ne crois pas que la vengeance soit plus une bassesse que nots autres utilisations de notre état d'animal).

Stratégies du réenchantement


Le sida et sa mythologie. Ca n'est pas la première fois qu'un auteur invente, dans une nouvelle, des déclinaisons numérotées du sida. Mais cette fois-ci, si les variantes ne sont pas forcément covnaincantes, l'objectif du personnage principal, qui se révèle dans une chute abrupte, est particulièrement touchant.

Privilège insupportable


Un monde sous cloche, un personnage dont on devine rapidement qu'il est odieux, avant de comprendre qu'il est encore plus qu'odieux. C'est sans doute la nouvelle la plus moralement discutable, tout en étant celle qui se rapproche le plus d'une espèce de canon post-apocalyptique.

Gilles au bûcher


Variation post-apocalyptique sur Gilles de Rais, le fameux monstre mangeur d'enfant, qui découvre cette fois qu'il a, d'une certaine façon, trop cultivé son amour pour oser rester un monstre. La nouvelle est plutôt sympathique, même si la conclusion m'a paru assez moyenne, peut-être parce que ne décidant pas vraiment d'une direction à prendre.

Fugues et fragrances au temps du Dépotoir


Peut-être ma nouvelle préférée.
L'histoire s'y déroule dans une station spatiale entourant un trou noir instable, et le jeune personnage central se déplace dans un environnement physiquement instable : la gravité comme le temps lui jouent parfois des farces sinistres. ce qui n'empêche d'ailleurs pas une certaine sensualité, ni même une cohérence de l'environement bien supérieure au monde présenté dans "Gilles au bûcher" ou "privilège insupportable".

Nettoyage de printemps


Un très court texte qui trahit peut-être mieux que les autres la proonde misanthropie de l'auteur. Bravo.

Jean-Claude DUNYACH, L'Art du changement d'état, Postface


Et là, trahison, Dunyach fait preuve de ce que je ne peut que qualifier de Lapalissade en définissant l'art de l'auteur. Que je sois bien clair : tout ce qu'ilé crit dans cette postface porte la marque de la plus profonde évidence : les nouvelles de Debats s'intéressent à ces moments où le monde change, et n'observe les personnages que de façon extérieure. Ca, je l'avais compris tout seul. Merci

Conclusion


Si la postface est ... passable, les nouvelles ne le sont pas, elles. Quand bien même elles présentent des personnages plus que douteux ("Privilège insupportable", qui m'a vraiment rebuté moralement), elles sont écrites avec une plume subtile, sensuelle qui a tous mes suffrages, parce qu'elle se désintéresse des états d'âme pour mettre en valeur les actes, et quels actes ! Tous ces personnages agissent en effet d'une façon proprement héroïque, parce qu'ils tentent plus que tout ce que je pourrais imaginer.
Le tout écrit sans aucune forme de pathos, ce qui m'a parfaitement satisfait.
J'ai par ailleurs trouvé dans cette plume un peu de l'ironie de Catherine Dufour, non pas que celle-ci ait inspiré Jeanne-A Debats, mais plutôt qu'il y a une forme de distanciation commune, une distanciation qu'on retrouve d'ailleurs dans le personnage de l'anglaise de la première nouvelle.
En d'autres termes, ce recuil offre une vision plutôt complète, et particulièrement éclairante (au sens le plus philosophique du terme) du talent de cet auteur, dont je lirai d'autres oeuvres avec plaisir.