Résumer ce roman pourrait sembler facile, à première vue, mais est en fait tout aussi casse-gueule que le scénario du dit roman. Or, malheureusement, je n'ai pas vraiment la gouaille de l'auteur et aurais donc bien du mal à éviter la catstrophe. Allons-y.
Ce livre au titre terriblement évocateur ne nous parle pas de cannibales, mais de zombies. Plus précisément, il nous parle d'Andy, un zombie "récent", qui s'est réveillé d'entre les morts après l'accident routier dans lequel sa somnolence au volant l'a tué, lui et sa femme. Pas drôle du tout ... surtout qu'il se réveile réduit à l'état de zombie archétypal : il a une chevile brisée et marche donc laborieusement, ses cordes vocales sont détruites, et il ne peut donc que produire des grognements incompréhensibles. C'est donc une situation assez peu enviable.
Surtout que, dans cet univers, les zombies sont victimes d'un racisme épouvantables : ils n'ont aucun droit civique, et peuvent donc être détruits librement par des "respirants". C'est vraiment flippant, parce qu'on comprend tout autant par ce roman que par les vidéos sur le harcèlement de rue ce que le racisme peut être, quand on en est victime. Surtout que, pour s'enfoncer encore un peu, le personnage principal, dès son état de zombie assimilé, se lance dans des tentatives pathétiques et infructueuses pour retrouver les droits qu'il avait en tant que respirant.
Dans l'ensemble, ça se passe mal. Jusqu'au tragique drame familial qui donne son titre au roman. Elément sur lequel j'arrête là ma description de cette oeuvre.
Car Oeuvre il y a : l'auteur donne toute l'humanité immaginable à ses zombies, qu'ils soient suicidés, victimes d'accidents de la route ou de meurtre crapuleux, ils ont tous une personnalité bien vivante. A contrario, évidement, les respirants sont vus comme tous les oppresseurs de la littérature (je pense en particulier aux vampires de link:9782070418077.html[Je suis une légende]) : ils n'ont pas souvent de traits de personnalité autres que la cruauté aveugle. Et quand c'est le cas, leurs instincts de respirants les pousse à agir malgré eux pour oppresser les zombies. C'est particulièrement criant avec la mère d'Andy, qui voudrait lui montrer son affection, mais ne réussit pas à le toucher.
Ce qui donne évidement à cette oeuvre les airs d'un pamphlet contre la discrimination, quelle qu'elle soit, digne des moments les plus sérieux du spécisme de
Terry Pratchett.
Alors évidement, il n'y a pas que ça, sinon cette oeuvre ne serait qu'un de ces romans à thèse barbants. Non.
On y trouve aussi tout le tumulte d'une passion amoureuse naissante, ainsi que l'érotisme incontrôlable des premiers émois (j'allais dire raidissants, mais je crois que ça n'est pas vraiment approprié). L'amitié entre des personnes soudées par une expérience aussi commune qu'afreuse, les affres de l'acceptation d'une situation sociale invivable, et tant d'autres thèmes qui, tout en étant indiscutablement contemporains, gagnent avec la non-mort de ces personnages une forme d'éternité assez bienvenue.
Honnêtement, j'ai été bluffé par ce roman, à la fois parce qu'il choisit l'angle le plus intéressant des films d'horreurs (que font les monstres quand ils ne poursuivent pas des jeunes filles aussi fortement bustées que faiblement vêtues), mais aussi parce que son économie de moyens lui permet le luxe d'être un authentique roman psychologique sur les zombies. Bravo.
Ce qui rend ce roman aussi indispensable que ... je ne sais pas, moi, je dirais un doigt ou une oreille dans la soupe. Lisez-le, vous serez sans doute surpris par sa profondeur sépulcarele (et ça me permettra d'arrêter les blagues aussi glauques que certaines scènes de cette histoire).