Ce sous-marin allemand de la Seconde Guerre mondiale transporte-t-il seulement le secret de la Machine Enigma ? Ou bien le plus fabuleux des trésors nazis que le réseau Kinakuta va s’efforcer de détourner ? C’est de la réponse que vont dépendre notre présent et notre avenir. Et plus encore les destins de personnages aussi fabuleux qu’incroyables comme Alan Turin, Rudolf von Hacklheber, Bobby Shaftoe et Goto Dengo. Certains existent et d’autres pas. Mais le savent-ils vraiment ? Voici le deuxième volet d’un livre culte, entre science-fiction, espionnage et uchronie, science dure et cauchemar psychédélique.

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Review

Le réseau Kinakuta est de ces romans qu’on a du mal à classer. Est-ce du banal cyberpunk? Est-ce un techno-thriller ? Est-ce même une uchronie(1) ?
Il oscile en fait entre toutes ces possibilités, sans jamais vraiment choisir son bord. Et ce n’est pas là la moindre de ses qualités. Si Neal Stephenson avait déja prouvé, avec Le Samouraï virtuel notamment, qu’il était un écrivain sur lequel on peut compter pour écrire une histoire foisonnante et riche, Le réseau Kinakuta nous prouve qu’il maitrise avc un rare degré l’écriture et, ce qui est étrangement normal, des connaissances mathématiques et informatiques assez pointues (ce qui semble normal pour l’auteur de la nouvelle Au début était la ligne de commande).
Ce récit est ainsi littérralement habité par la plume de l’auteur, qui nous narre avec un mélange de précision, d’amusement un peu cynique et de franche camaraderie avec le lecteur les aventures, parfois rocambolesques, d’une galerie de portaits tous plus étonnants les uns que les autres. Entre Randy Waterhouse, son grand père Lawrence, la famille Shaftoe et quelques étranges seconds couteaux (comme le maître terrassier Goto Dengo, au nom en forme de jeu de mot pour informaticien), il n’est ainsi pas un seul des personnages principaux qui ne semble au mieux décalé, au pire complètement étranger au monde qui l’entoure. Ceci a l’heureuse conséquence de nous fournir des scènes d’un intérêt ethnologique fort en ce qui concerne, par exemple, la vision que peut avoir un cryptanalyste de la vie sociale, et notamment des interactions sociales. D’autres moments de bravoure seraient dignes d’être rappelés ici (un voyage dans la jungle, une réunion au sommet, la vie au bord des fjörds, ...) mais ils ne suffiraient pas à rendre l’étrange impression que dégage ce roman : celle d’être en même temps bien chez nous, sur notre bonne vieille planète, mais également celle que ce monde n’est pas celui que nous connaissons, à peine plus que le reflet de ce monde vu à travers le reflet d’un écran de portable par exemple.
Cependant, ce tome laisse un peu sur sa fain. Il est clair qu’on est ici au milieu du Cryptonomicon, et cet aspect transitionnel tend à rendre futile toute tentative de compréhension de ce livre, qu’on peut également voir comme une tentative sophistiquée et légèrement décadente de nous faire plonger au coeur des secrets cryptographiques les mieux gardés, car les plus accessibles. Il n’en constitue cependant pas moins un bon deuxième tome, que le fan de Neal Stephenson que je commence lentement à devenir n’a pas pu s’empêcher de dévorer, avec un mélange de sourire narquois, de profonde communion avec l’auteur, et de vague compréhension d’un schéma plus vaste.
Au final, on ne peut en dire qu’une chose : c’est une oeuvre d’informaticien pour des informaticiens (qui d’autre s’amuserait à placer au milieu du récit un bout de code en PERL ?).

(1) ce que semble confirmer la présence des îles au nom imprononcable