L'Orchestre. Un ensemble d'instruments et de claviers dont un homme seul peut jouer. Le plus puissant des outils de création, sons et lumières, dont se soit jamais dotée l'humanité. Le plus fragile aussi. Et le plus utile. Car il apaise les tensions politiques qui se sont instaurées entre les mondes habités.

En ce XXXIVe siècle, l'Orchestre va accomplir une nouvelle tournée à travers le Système solaire. Pour la première fois, Johannes Wright en est le Maître. Pour la première fois aussi, l'Orchestre est menacé. Par une secte inconnue qui cherche à faire régner le désordre dans l'univers. Voici, par l'un des maîtres américains de la science-fiction, un space opera où se mêlent l'art le plus subtil et l'aventure la plus échevelée.

Review

Autant le dire tout de suite, j’ai rarement lu de livre aussi puissant par sa construction et par les réflexions dans lesquelles il plonge le lecteur. Et du coup, pour tout dire, j’ai rarement lu de livre aussi bien.

Un petit résumé


Je rerésume, parce que la quatrième de couverture est encore une fois odieusement mauvaise, fausse et dénuée d’intérêt (pourtant, j’ai acheté ce bouquin sur la foi de cette susdite quatrième de couverture). Donc, ce roman nous raconte la grande tournée que fait, après le XXIème siècle, le Maître de l’Orchestre à travers tout le système solaire, partant de Pluton pour aller jusqu’à Prométhée (une station solaire orbitant à ras du Soleil). Mais cet Orchestre n’est pas, comme on pourrait s’y attendre, un ensemble d’instruments, ou plutôt pas tout à fait. En fait, il s’agit tout simplement d’un orchestre symphonique accroché dans une espèce de sculpture en verre, et utilisable grâce à tout un système de claviers, de tirettes et autres gadgets typiquement présents dans un orgue d’Eglise. Il faut donc imaginer une énorme sculpture en forme d’arbre, portant les instruments comme des fruits, et issue du génie d’un spécialiste en physique fondamentale, mort depuis des siècles, et inventeur d’une théorie analogue à celle des cordes (avec des dimensions supplémentaires enroulées dans un espace minuscule). Et le maître de l’Orchestre se retrouve alors à composer une musique décrivant cette théorie.

Des pistes de réflexion


C’est un ouvrage étonnant à bien des aspects. D’abord grâce à la discussion ayant lieu lors de la première rencontre entre le Maître, et un critique qui deviendra rapidement son ami, sur l’intérêt de la critique. En effet, lors de cette discussion, mon esprit critique a été flatté au-dela des mots par la distinction établie par les deux interlocuteurs entre la connaissance expérimentale (celle qu’à le lecteur d’un roman, l’expérimentateur) et la connaissance discursive, obtenue par le compte-rendu, critique ou non, d’une expérience. Cette distinction est d’ailleurs une des bases conceptuelles de ce roman, qui reviendra à intervalles réguliers, qu’il s’agisse de la connaissance de la musique, de celle de la "théorie des reflets"(1), ou de celle du secret des gris. Mais cette distinction entre connaissance livresque et expérimentation n’est pas la seule qui porte ce roman. On trouve aussi la quête de la vérité, ou plutôt de la lumière, qui hante les différents acteurs de ce roman. Cette quête qu’on retrouve également dans le choix des noms de lieux, au premier lieu desquels il faut placer cette station Prométhée, qui apporte la lumière et l’énergie à toute l’humanité, et dans laquelle le Maître comprendra finallement la vérité sur son destin. En fait, ces deux aspects ne sont peut-être même que des conséquences d’autres clés de ce récit, que sont le déterminisme de l’existence, mis en valeur par le Maître, qui se sait complètement déterminé, et auquel s’oppose le libre-arbitre qu’incarnent les différentes personnes l’entourant. Libre-arbitre que croit également incarner Ekern, lequel a monté, autour du Maïtre de l’orchestre un "métadrame"(2). Voilà peut-être la clé de lecture la plus profonde, et ddonc la plus importante, de cette oeuvre. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que tout cela n’est peut-être qu’une mise en abyme que met en place 7491. En effet, ce roman qui décrit la construction d’une oeuvre d’art, visible à plusieurs niveaux, en est lui-même une. Dans quelle mesure ce qu’il décrit est-il transposable à l’échelle de l’auteur pour décrire les affres de sa création. M’enfin, ça n’est peut-être que mon imaginaire qui se projette dans cette oeuvre. D’un point de vue plus anecdotique, je trouve formidable cette idée de donner à la civilisation occupant tout le système solaire la musique comme principal moyen d’expression, en donnant par ailleurs une raison on ne peut plus crédible à cette préséance.

Conclusion


J’ai rarement lu d’aussi bons romans. Bien sûr, il y a quelques défaut, au premier lieu desquels les personnages, jouets dans les mains d’un démiurge(3). Mais tout cela n’est rien, face à la puissance que dégage cette oeuvre, et aux réflexions qu’elle suscite. J’ai finallement trouvé amusant de terminer ce magnifique roman le jour du 250ème anniversaire de la naissance de Mozart …

(1) Cette fameuse théorie décrivant l’univers de manière absolue, et qui présente la particularité de rendre l’univers déterministe, sous le vernis probabiliste de la physique quantique.
(2) dont l’équivalent contemporain serait la performance artistique ou le théatre de rue, mettant à profit le spectateur pour en faire un acteur.
(3) Mais n’est-ce pas précisément le but de ce roman que de nous faire comprendre que nous ne sommes que les jouets d’un Dieu énoncant l’univers ?