Un cerveau d'ordinateur, un corps surentraîné à tous les risques, et la beauté en plus : telle est Vendredi. L'agént idéal en ce monde futur, en ce monde de demain. Et, en effet, la voici qui rentre de la planète Ell-Cinq, mission accomplie une fois de plus, et quelle mission ! Félicitations du Grand Patron et droit aux vacances. Heureuse, Vendredi ? Non, tourmentée comme jamais encore, hantée d'images : le viol atroce qu'elle a subi, les meurtres qu'elle a commis. Vendredi la non-humaine aurait-elle une conscience ?

Review

Vendredi est une humaine artificielle, née dans une couveuse et destinée à devenir belle, intelligente et désirable, bref, une sorte de femme parfaite de l’avenir. Elle a bien sûr un métier en rapport avec son époque (cruelle, cynique et franchement violente) qui lui permet de voyager de par le vaste monde. Et dans ce monde, elle fait des rencontres, ou perd des anciens amis, parfois sur le simple fait qu’elle soit née d’une éprouvette.
Lorsqu’on commence le roman, tout porte à croire qu’il s’agira d’un de ces romans d’action/espionnage, où le héros passe son temps à se battre à coup d’armes improbables contre des Méchants plus vicieux les uns que les autres. Et très rapidement, on se rend compte que cette violence initiale n’est pas le fait de l’héroïne, mais du monde qui l’entoure. Un monde violent, ayant sombré dans la balkanisation et l’anarchie, où les méga-corporations ont atteint le stade où plus aucun état ne peut avoir leur puissance, et où la guerre commerciale devient parfois la guerre, tout court. Vendredi, elle, est une des habitantes de ce monde et, en tant que telle, est adaptée à une société que nous ne pouvons concevoir.
Mais le coeur du roman n’est pas ce décor, plutôt étonnant. Ce récit est construit autour des questions que se pose Vendredi sur sa réalité, sur son humanité, qui est vraiment le coeur du sujet. Et les questions posées m’ont rappelé, évidement, toutes les histoires actuelles sur le cloange, bien que Vendredi ne soit pas uniquement un clone : sont-ils humains ? Doivent-ils avoir les mêmes droits que d’autres humains ? Voilà les vraies questions auxquelles Robert Heinlein répond avec beaucoup de finesse. M
alheureusement, ces questions n’occupent pas, à mon sens, la place qui est la leur. Elles sont en effet noyées sous l’action et les réflexions personnelles de l’héroïne ainsi (et surtout) par d’étranges considérations politiques sur les Etats-Désunis(1) et d’autres sur les familles de l’avenir (groupes familiaux à sept ou huit personnes, mariages polygames et autres), le tout dans une ambiance de franche débauche sexuele qui m’a rappelé (quoiqu’en un peu moins appuyé) le baiser des ombres. Et c’est franchement malheureux, parce que même si la question de la sexualité de l’avenir mérite d’être abordé, il ne faut pas à mon sens s’en servir comme d’un accessoire de l’intrigue, mais bien comme l’un de ses moteurs (comme c’est par exemple le cas dans Les Monades urbaines). Bien sûr, ici, le sujet, c’est plutôt ce que ressent Vendredi face à ce qu’elle vit, bref, un vrai roman d’introspection, ce qui est assez peu commun en SF, mais aussi très intéressant.
Au final, je trouve que même si cette histoire est intéressante, elle est un peu gâchée par le désir de l’auteur de faire passer un grand nombre de messages, tous intéressants, certes, mais troublant un peu le lecteur (enfin, moi, ça m’a troublé, mais je ne suis évidement pas une référence). Et, même s’il mérite une lecture attentive, il n’est pas à mon avis un super chef-d’oeuvre.
(1) C’est de moi, ça, hein