La planète Terre en l'an 2381 : la population humaine compte désormais plus de 75 milliards d'individus, entassés dans de gigantesques immeubles de plusieurs milliers d'étages. Dans ces monades, véritables villes verticales entièrement autosuffisantes, tout est recyclé, rien ne manque. Seule la nourriture vient de l'extérieur. Ainsi, l'humanité a trouvé le bonheur. Des bas étages surpeuplés et pauvres aux étages supérieurs réservés aux dirigeants, tous ne vivent que dans un but : croître et se multiplier. Plus de tabous, plus de vie privée, plus d'intimité. Chacun appartient à tout le monde. La jalousie et le manque n'existent plus. Contentez-vous d'être heureux. La monade travaille pour vous et maîtrise tout. Quand à ceux qui n'acceptent pas le système, les anomos, ils seront eux aussi recyclés. Pour le bien-être du plus grand nombre…

L'utopie futuriste est une entreprise délicate, tant ce genre compte de chefs-d'œuvres indépassables, souvent fondateurs de la science-fiction. Loin de recycler de vieilles idées, Silverberg (Le Château de Lord Valentin, L’Oreille interne) en renouvelle le genre avec intelligence et subtilité. Un grand classique à ranger aux côtés de 1984 d'Orwell ou du Meilleur des mondes de Huxley. — Georges Louhans

Review

Les monades urbaines est un roman-mosaïque de Robert Silverberg décrrivant la vie dans des tours gigantesques d’ici deux cent ou trois cent ans. Il s’agit naturellement d’une forme d’utopie (et oui, encore une) banissant la propriété sus toute ses formes. Chacun est un membre de la monade, et c’est tout.

Contrairement à Kirinyaga, il n’existe pas ici de manière claire de qualifier cette utopie. Est-ce le bien, le mal ? Aucun moyen de le savoir, si ce n’est par le traitement infligé aux "anormos" qui sont d’abord rééduqués, avant d’être jeté dans la Chute (ie les recycleurs de matière) pour que son énergie soit utile à tous. Et pourtant, il n’existe pas un seul des héros de ces nouvelles qui ne soit heureux, et c’est là qu’on sent se fendiller les choses. En fait, Robert Silverberg tente probablement par ce roman de reprendre quelques thèmes chers aux hippies, et autres partisans de l’amour libre en tant que moyen de communication, pour démontrer que malgré tout, malgré l’amour et la liberté, les tensions persistent, et les dangers demeurent. Et la démonstration est édifiante, car rien ne peut donner de l’espoir dans ce monde stérilisé par trop de plaisir. Ils n’ont plus la force d’avancer, se doivent, pour le bien de tous, d’être contents de leurs vies, et ce qui n’en sont pas satisfaits sont rejetés, car anormos.

Pour moi, le pire exemple est Siegmund, le jeune et beeau favori des administrateurs, qui ne peut plus résister à la tension sous-jacente, alors même que l’amour possible librement est censé détruire les tensions avant leur apparition. C’est un roman fort, qui laisse un goût de larmes, car si la morale n’est pas complètement négative, elle n’en laisse pas moins, pour moi, des relents de totalitarisme assez douloureux pour ce que peut nous réserver l’avenir.