Mississippi, 1857. Quel capitaine de vapeur sensé refuserait le marché de Joshua York ? Cet armateur aux allures de dandy romantique offre des fonds illimités pour faire construire le navire le plus grand, le plus rapide et le plus somptueux que le fleuve ait jamais connu. En échange de quoi ses exigences paraissent bien raisonnables : garder la maîtrise des horaires et des destinations, et, surtout, ne jamais - à aucun prix - être dérangé dans sa cabine hermétiquement close, dont il ne sort qu'une fois la nuit tombée.

Voilà enfin l'occasion qu'attendait le capitaine Marsh, vieux loup de rivière aux proportions gargantuesques, pour relancer sa compagnie en perte de vitesse. Si ce formidable vapeur lui permet de coiffer ses concurrents au poteau, peu lui importe les lubies de l'étrange armateur. Jusqu'au jour où une vague de meurtres sanglants apparaît dans le sillage du Rêve de Fèvre...

Review

Eh bien en voilà un bon bouquin !
Je vais bien devoir spoiler pour vous en parler sérieusement, donc passez votre chemin si vous ne voulez pas voir unmorceau de l'intrigue s'étaler sous vos yeux effarés.
Ce roman nous raconte donc les aventures d'Abner Marsh, vieux capitaine de vapeur sur le Mississipi hanté par une malchance tenace qui, à l'aide d'un associé plutôt inhabituel, va tenter de contrer sa malchance avant d'être sacrément rattrapé par celle-ci. Tout ça, bien sûr, dans un Mississipi d'avant la guerre de sécession, et pour une bonne par esclavagiste. Bon, le roman nous parle aussi de Billy l'aigre Tipton, qui est assez différent (et dont je reparlerai plus loin).
C'est à mon sens un roman fabuleux. Sans doute le meilleur de link:../authors/1004567.html[G R R Martin Bruno Martin] qui n'est déja pas pour moi le plus mauvais auteur, bien au contraire.
Mais cette fois-ci, il a réussi à rassembler dans un seul roman ce que je voyais auparavant dispersé dans tous les tomes du Trône de fer. Et c'est franchement fameux.
Dès le départ, les personnages sont fameusement campés, avec un Abner Marsh assez charismatique, malgré (ou à cause) de son allure de morse échoué. Et puis, bien sûr, il y a Joshua York qui, dès la première rencontre, a incarné chez moi l'essence du vampire (je vous avais dit qu'il y aurait du net spoiler). Bon, on mettra 400 pages à en être sûr, mais c'est évident dès le premier chapître, et plus encore quand on rencontre Damon Julian dans sa plantation à moitié abandonnée.
Je trouve d'ailleurs le jeu auquel Martin se livre avec Joshua York assez sympathique : pendant plus de la moitié du roman, il nous explique qu'il ne vit que la nuit, avec sa cour autour de lui, et que de temps en temps il boît des truc infâmes. Toute une série d'indices nous amènent à penser que c'est un vampire, mais c'est seulement après la lecture d'un recueil de poésie que notre brave capitaine comprend enfin la vraie nature de son associé.
Et là, à la suite d'un chapître particulièrement réussi sur la vie d'un vampire, Martin nous assène son premier coup de maître scénaristique en faisant en sorte que les deux associés continuent leur chemin sur leur très beau vapeur.
A partir de ce moment, on voit clairement que le roman n'est pas simplement l'histoire de personnages, mais l'histoire de deux couples mixtes humains et vampires : d'un côté les deux capitaines, et de l'autre Billy l'aigre et Damon Julian, qui incarnent le côté pervers de cette relation : un vampire qui ne cherche que le sang, et un humain qui, pensant chercher à devenir un vampire, n'assouvit en fait que ses pulsions les plus sadiques. Et face à eux, nos deux capitaines essayent d'établir une relation d'égal à égal, qui leur permettra finallement d'avoir le dessus, mais à quel prix !
Voilà un autre élément formidable de l'écriture de link:../authors/3344799.html[ Martin Matz]. Plutôt que de laisser Marsh retrouver son vapeur perdu en un mois ou deux, il ne le retrouve jamais, et c'est finallement un appel à l'aide de son ancien ami qui lui permet de reprendre le dessus sur son destin. Bref, rien de bien valeureux là-dedans, surtout quand on apprend dans quelles circonstances son ami l'appelle à l'aide ... rien de glorieux ni pour l'un, ni pour l'autre, je trouve.
Et puis, comment pourrais-je ne pas aimer un roman qui se passe sur un bateau aussi joli que ce rêve de fèvre ? Une espèce de riverboat mythique, cet engin flottant ! Surtout qu'on voit défiler les rives avaec beaucoup de ... comment dire ... contemplation. On est assis, à côté d'Abner Marsh, sur son pont tempête, et on regarde défiler les rives de ce fleuve immense en sirotant une quelconque boisson, raffraîchis de l'athmosphère étouffante du sud des états-unis par la vitesse du bateau, bercés par le bruit des roues à aubes. Et du coup, toutes ces histoires de vampire prennent une espèce de langueur que d'autres romans sur le même thème n'ont même jamais réussi à imaginer (je pense par exemple link:9782070338856.html[Ames perdues Âmes perdues] de link:../authors/9558.html[Poppy Z Brite Poppy Z. Brite] qui se passe au même endroit, il me semble, et n'arrive qu'à sortir un truc misérable).
J'ai docn été totallement conquis par ce bouquin bien écrit (et formidablement bien traduit, puisque j'ai nettement ressenti la volonté de l'auteur de faire un roman soigneusement écrit). Et franchement, je pense que beaucoup de monde le sera (ou tout au moins je l'espère).