Review

Ce roman, proche dans le thème d'un conte slave, regroupe les histoires de trois femmes : Wanda, jeune paysanne issue d'un foyer difficile, Myriem, prêteuse sur gages juive vivant dans le même village, et Irina, descendante d'un comte que son père promet à un grand avenir (pour l'époque, ça veut dire bien se marrier).
Ces trois femmes vivent dans une espèce de Russie fantasmée, menacée par l'hiver des Staryk (les hommes des glaces venant pousser l'hiver plus loin). Elles vont donc devoir faire des choix qui n'impliquent jamais la passion amoureuse, mais beaucoup plus souvent le respect de la famille et une vision emprunte d'un certain fatalisme. Et leurs destins vont se croiser, dans un récit qui met en regard le monde des glaces des Staryk et le monde des humains.
J'ai trouvé dans ce roman un ton à la fois proche de Thomas le Rimeur et autres réécritures de comtes, mais aussi très lointain. Un ton proche, parce qu'on retrouve ce voyage dans une réalité parallèle, ou le statut d'un être humain est plus, mais aussi beaucoup moins, que celui des autochtones, et bien sûr le fait que la personne qui revient de ce voyage en est changée (bon, Myriem n'en revient pas avec des pouvoirs, mais avec une vision différente de sa place dans la société). Un ton lointain, parce que ce roman est empli d'un esprit russe. Je m'explique : l'organisation sociale avec le tsar et les boïars, la façon dont les gens se parlent, et bien sûr ce qu'ils mangent, tout semble russe. Exotique ? Pas plus ni moins que cette culture anglo-saxonne qui hante la fantasy qui remplit les rayons.
J'ai trouvé aussi dans ce roman quelque chose que j'aime toujours beaucoup : de l'intelligence. Et, peut-être, une certaine forme de féminisme. Ces trois femmes se battent en effet avec leurs armes, qui ne sont jamais physiques : Wanda est peut-être grande et forte, mais elle est aussi effacée, ce qui l'empêche d'affirmer ses prérogatives, Myrim est petite, vient d'une communauté juive qui sait que le monde lui est hostile, et n'est donc pas vraiment intéressée par la confrontation physique, et enfin Irina est une jeune noble élevée pour le mariage. On est donc loin du personnage de guerrier ... Et c'est tant mieux, parce que ça donne des interactions différentes et intelligentes entre ces personnages et avec les autres intervenants du récit.
Et puis, et c'est assez rare pour le signaler, ce roman met en scène la fin de certaines magies, pour une raison qui est assez différente que simplement "la fin d ela magie". On parle ici de chasser l'hiver et sa magie pour qu'enfin le peuple puisse vivre. C'est autre chose, je trouve, que La Grande Guerre Qui Tua La Magie (voir la légende Arthurienne, par exemple).
Autrement dit, j'ai eu affaire à un roman de fantasy intelligent, avec des personnages fort bien décrits (et fort intéressants). Un roman mettant en scène des femmes vraiment intéressantes, que je ne peux que recommander. Pour tout dire, comme dans tous les très bons romans, j'ai regretté d'arriver au terme de cette lecture.