Review

Ce roman nous raconte l’ascension et la chute de Charlie Gordon, cobaye consentant d’une expérience analogue à celle du film (celui avec Pierce Brosnan).
Pourtant, ce livre est bien plus touchant et émouvant que n’a pu l’être ce film. Pourquoi ? Peut-être grâce à la maîtrise dont fait preuve l’auteur, qui joue avec un talent incroyable de ce récit, entièrement raconté par Charlie (je ne vous répéterai pas encore une fois à quel point je trouve le récit à la première personne puissant, en tant que procédé stylistique). Et, ça n’est pas la moindre des forces de ce roman, l’auteur pousse le talent jusqu’à modifier considérablement son écriture en fonction du QI supposé du héros. D’abord hésitant, pauvre et bourré de fautes, l’écriture prend ensuite une assurance incroyable et un style très riche pour finir, comme il se doit, par régresser considérablement. Mais ce style n’est qu’un support, et une démonstration, de la formidable évolution intellectuelle de Charlie, qui finira bien par devenir un génie.
Certains ici ont beaucoup discuté des faculté d’intelligence et du mépris concomittant pour les plus faibles. Pourtant, je crois que la clé de ce roman n’est pas à chercher dans une quelconque supériorté intellectuelle de certaines personnes sur d’autres, même si certains exemples sont assez éloquents, en tant que dénonciation de ce mépris. Non, pour moi, la vraie clé de ce roman, c’est l’amour. Et n’allez pas y voir la déclaration de l’incurable romantique que je suis. Lorsque Charlie progresse, il progresse intellectuellement. Mais affectivement, il avance bien moins vite et doit attendre le congrès de psychologie pour constater qu’il n’est, pour ses médecins, et bien qu’il soit extrêmement intelligent à ce moment-là, qu’un cobaye pour lequel ils n’ont aucune affection. Ce manque d’affection, et le besoin de Charlie de se rapprocher d’Alice, est très important. Il montre clairement, pour moi, que ce que critique dans ce roman l’auteur, c’est la recherche à tout prix d’une intelligence supérieure, qui n’apporte finallement pas de solution aux problèmes humains, même si elle en apporte aux problèmes abstraits. Et cet amour, Charlie le recherche dès le début du roman, pour ne le trouver qu’à la fin.
En effet, dès les premières semaines, on apprend que sa première motivation pour accéder à l’intelligence, c’est d’avoir de vrais amis. Pourtant, lorsqu’il est au pinnacle de cette intelligence, il n’en a pas. Et durant toute sa phase de déchéance, Charlie ne cherchera plus que cela : l’amour. D’abord dans les bras de Kay, puis, avant finallement de sombrer dans le gouffre de ses insuffisances, dans ceux d’Alice. Et, bien qu’ils souffrent tous les deux à ce moment-là, n’est-ce pas le seul moment où Charlie puisse compter sur un appui fiable et solide ?
Voilà donc pourquoi je pense que, loin de glorifier l’intelligence, ce roman est une ode à l’amour, extrêmement émouvante pour cette raison même, et qui doit être lue par tous, et tout de suite.