Neil Gaiman sait redonner aux légendes établies un souffle nouveau. Celui qui, dans une nouvelle éblouissante, a osé présenter Blanche-Neige comme une criminelle sadique, se permet, dans American Gods, de mêler mythologie et conflits de l'Amérique d'aujourd'hui...
Quand les anciens dieux se sont installés en Amérique, amenés par de hardis navigateurs puis par les vagues successives d'émigrants, ils pensaient trouver un territoire à la mesure de leurs ambitions. Peu à peu, cependant, leurs pouvoirs ont décliné : Anubis - l'ancien dieu des morts égyptien - en est réduit à travailler dans une entreprise de pompes funèbres ! Et de nouvelles idoles - cinéma ou Internet - se sont imposées. C'est pourtant un humain, Ombre, qui se retrouve au cœur d'un conflit titanesque : à peine sorti de prison, découvrant que sa femme est morte et que son meilleur ami était son amant, il accepte un contrat aussi dangereux qu'étrange...
Passionnant roman-fleuve, American Gods confirme que Neil Gaiman est un auteur aux ambitions littéraires affirmées et un raconteur d'histoires hors du commun. --Stéphane Nicot

Series

Review

Oui, American Gods est un chef-d’oeuvre du fantastique. Et ce pour d’innombrables raisons. D’abord, parce que Gaiman arrive à projeter dans une Amérique contemporaine l’ensemble(1) des panthéons des principaux peuples ayant nourri l’Amérique. Ensuite, parce que cette construction se fait d’une manière extrêmement rationnelle, eu égard aux attributions de ces dieux (Loki en est l’exemple le plus frappant). Enfin parce que toute cette construction se fait sous la forme d’un pied de nez absolument magistral. Qui plus est, cette construction n’est finallement pas intéressante en soi. Elle ne sert que de support au conte initiatique que vit Ombre, le héros de cette histoire. Et là encore, l’auteur met tout son talent au service d’une histoire intéressante, servie par des personnages tout à fait croustillants, et aux rebondissements franchement inattendus. Mais encore une fois, comme dans n’importe quelle parabole, le sens apparent ne sert qu’à mettre en valeur un sens caché nettement différent. Il est pour moi assez clair : les croyances, et en particulier les panthéons nordiques, continuent de modeler avec force l’Amérique moderne(2). Il suffit pour s’en convaincre de jeter un coup d’oeil à leur production cinématographique. Le schéma scénaristique inclut, l’immense majorité du temps, un combat à mort entre les deux parties. Comment ne pas mettre ce combat en parallèle avec le massacre souhaité par Odin ? Il y a évidement plus qu’une vague ressemblance. En fait, de par la culture dominante anglo-saxonne, les mythes nordiques ont été emmenés aux Etats-Unis où ils ont fourni le fond permettant l’émergence de ces oeuvbres, où la violence n’est qu’une image du Ragnarok. Bien sûr, Gaiman est obligé d’en faire usage.
Mais, et c’est là la leçon essentielle de ce roman, tout cela est peut-être une vaste escroquerie. Toute la violence mise en scène, préparée et sciement amplifiée ne sert peut-être qu’à nourir quelques vieillards grabataires … Bref, une oeuvre forte, bouillonante, et rigoureusement indispensable.

(1) ou tout au moins une sous-partie significative
(2) Je plagie ici sans aucune honte une thèse que j’ai déja eu l’occasion d’entendre.