Depuis des siècles, les souvenirs de la Compagnie noire sont consignés dans les présentes annales. Depuis des siècles, la troupe se loue au plus offrant et les batailles qu'elle a livrées ont déjà rempli maints volumes. Jamais pourtant elle n'aura traversé de période aussi trouble. Entrée au service de la Dame et de ses sorciers, la Compagnie participe à l'une des plus sanglantes campagnes de son histoire. Les combats incessants, la magie noire qui empuantit l'air... bientôt les hommes tombent comme des mouches, et ceux qui restent debout se demandent s'ils ont choisi le bon camp. Ce sont des mercenaires dépravés, violents et ignares, sans foi ni loi, mais même eux peuvent avoir peur, très peur...

Authors

Review

Il est très rare, dans une littérature aussi conservative que la fantasy, de tomber sur un roman aussi étrange que celui-ci.
En effet, ici, point de chevalier blanc terrassant le dragon, moins encore de glorieux magiciens sauvant facilement le monde d’un coup de baguette magique. Non, ici, on est dans une fantasy qu’on qualifierait presque "d’en bas", si on ne craignait de paraître méprisant pour l’auteur. Parce qu’il n’y a rien de glorieux dans ce roman. Des héros, qui ne sont que des mercenaires plus rusés que la moyenne, aux grands du monde, qui n’ont pas grand chose de digne, rien dans ce roman n’allège l’ambiance. Et c’est tant mieux. Car ça nous évite pour une fois la honte d’un happy end tiré par les cheveux. De plus, la conclusion de l’histoire, qui n’est d’ailleurs pas la fin de la campagne militaire qu’elle décrit, nous laisse sous-entendre que, si suite il y a, elle tiendra plus de la débandade organisée que d’autre chose. Heureusement pour nous, cet étalage de platitudes est formidablement servi par un auteur subtil, qui confie sa plume à l’annaliste(1) de ladite compagnie noire, bande de mercenaire que d’ailleurs le narrateur voit telle qu’elle est : une bande de vauriens, à peine digne de devenir des brigands de grand chemin.
Et c’est finalement là le vrai secret de ce roman : nous faire partager le quotidien de ces hommes promis à un avenir pour le moins incertain, sans jamais l’idéaliser, mais en montrant toujours à quel point ils peuvent se révéler héroïques. En fait, l’intérêt de ce roman réside essentiellement dans cette étude anthropologique, que l’auteur fouille largement plus que les aléas de la guerre, qui passent par ailleurs largement au-dessus des considérations du narrateur, médecin (peut-être), soldat (sûrement) et écrivain (avant toute chose). Tout cela rend ce roman formidablement intéressant, et à dix mille lieues des niaiseries habituelles de la fantasy.

(1) Celui qui écrit les annales, et rien d’autre.