Mandchourie, an 2113. La ville de Ha Rebin dresse ses tours de huit kilomètres dans un ciel jaune de toxines. Sous ses fondations grouille la multitude des damnés, tout autour s'étendent les plaines défoliées de la Chine. Le brillant Cmatic est mandaté par une transnationale pour enquêter sur trois nouveaux cas d'une maladie qu'on croyait éradiquée depuis un siècle. Ses recherches le mènent à Ha Rebin, où il rencontre une adolescente étrange. Avec elle, il va tenter de mener à bien sa mission dans un monde qui s'affole : décadence américaine, pandémie sanglante, massacres génétiques, conquête planétaires et montée de l'extrémisme vaudou. Et affronter le rêve le plus fou de l'humanité : l'immortalité, ou ce qui y ressemble...

En 2113, dans un monde où règnent décadence américaine, pandémie sanglante, massacres génétiques, conquêtes planétaires et montée de l'extrémisme vaudou, Cmatic est mandaté par une transnationale pour enquêter sur une maladie qu'on croyait éradiquée. Edition augmentée d'une nouvelle et d'une postface inédites.

Review

J’avais lu sur fr.rec.arts.sf que ce roman était de ceux dont on ne sort pas indemnes. J’avais audacieusement répondu à mon interlocuteur que ça ne valait pas mieux que Merlin l’ange-chanteur. De quelle naïveté j’ai pu faire preuve ! D’accord, sur une échelle absolue, Merlin l’ange-chanteur n’est pas joyeux. Mais, comme on me l’a répondu au moins, on rigole. Dans Le goût de l’immortalité, link:../authors/848604.html[Catherine Dufour] abandonne définitivement l’humour de Quand les dieux buvaient pour nous sortir un roman d’un fatalisme assez absolu. Je ne vais pas le résumer ici, parce que c’est trop difficile. En fait, il me paraît même assez difficile de parler de ce roman. D’abord parce que, comme je l’ai dit, il est d’un fatalisme, ou plutôt d’un pessimisme, que j’ai très rarement vu. Même des romans comme link:9782841721115.html[Des milliards de tapis de cheveux] qui ne brillent pourtant pas par leur bonne humeur, me semblent plus positif que celui-ci. Et ce pessimisme est lié à plusieurs éléments, tous très bien rendus. Il y a cet environnement urbain, clairement inspiré des link:9782253072256.html[monades urbaines Les Monades urbaines], mais sali par la pollution, omniprésente, oppressante, et structurant tout l’univers. Il y a l’évolution de la Terre, rongée par cette pollution et par les maladies nouvelles qu’elle a créé, ou qui se sont développées grâce à (ou à cause de) l’incompétence humaine. Il y a ce système de castes, séparant les humains du dessus du sol de ceux du dessous. Et puis enfin, il y a le récit proprement dit. Enfin, récit, je dirai plutôt biographie. Car plus que le récit de ce qui arrive à cmatic, pauvre entomologiste bouc émissaire d’organisations plus ou moins honnêtes, plus que le bouleversant récit de la vie de cheng(1), le coeur de ce récit, c’est l’adolescence (ou ce qui en tient lieu dans ce cas précis) de la narratrice. Cette adolescence, avec ses contradictions, ses haines farouches, ses ambitions un peu folles, et ses bouffées d’hormones (ah, non, pas là en fait). Et tout cela est écrit avec un style, avec une couleur, avec un ton incroyablement bien adaptés au sujet du récit.

un petit apparté en passant j’ai bien du mal à ne pas vous hurler ce que j’ai trouvé le plus magnifique là-dedans. Donc j’arrête de résister.

Ce qui est incroyablement balèze dans ce bouquin, c’est l’horreur ! L’horreur quand, au bout de la cinquantième page, on comprend que la narratrice est cliniquement morte et survit grâce au vaudou(2) (et que cmatic aussi, maais c’est moins crucial pour le récit). L’horreur encore un peu plus avec la vie de Cheng, mais j’en ai déja parlé. L’horreur enfin, l’horreur absolue, l’horreur totale, dans le dernier paragraphe du récit, quand on comprend qu’après avoir expliqué à quel point sa vieillesse et celle de son interlocuteur sont basées sur la mort des autres, la narratrice nous apprend dh’ryyr fheivg ra ohinag yvggéenyrzrag y’âzr qr pzngvp, qr purat rg qr fn ivrvyyr nzvr wneqvavèer.

Voilà pourquoi ce bouquin est fabuleux. Parce qu’il est horrible d’une manière inimaginable. J’ai déja dit qu’un passage me semblait directement issu de l’esprit de link:../authors/1538972.html[Yann Minh]. Je me rappelle à son propos qu’il m’avait dit que les lecteurs passant la page 90 pouvaient réussir à lire le bouquin en entier sans vomir (sic). Je crois bien que c’est aussi le cas ici, et que de nombreux lecteurs abandonneront cette lecture âpre avant la fin. C’est malheureux, car c’est un bouquin excellent, magnifique. Horrible, mais d’une horreur et d’une noirceur magnifiques. En guise de conclusion, je me demande bien quels sont les aspects de ce roman autobiographiques, car il y en a, je le sens.

(1) dont la désinfection de certains virus m’a paru comme directement sortie du cerveau de link:../authors/1538972.html[Yann Minh]
(2) N’oubliez jamais qu’avec link:../authors/848604.html[Catherine Dufour], tout est possible, y compris la bière de saucisson