It is the fourteenth century and one of the most apocalyptic events in human history is set to occur—the coming of the Black Death. History teaches us that a third of Europe's populations was destroyed. But what if the plague had killed 99 percent of the population instead? How would the world have changed? This is a look at the history that could have been—one that stretches across centuries, sees dynasties and nations rise and crumble, and spans horrible famine and magnificent innovation.

Through the eyes of soldiers and kings, explorers and philosophers, slaves and scholars, Robinson navigates a world where Buddhism and Islam are the most influential and practiced religions, while Christianity is merely a historical footnote. Probing the most profound questions as only he can, Robinson shines his extraordinary light on the place of religion, culture, power—and even love— in this bold New World.

Review

Ce roman qu’on pourrait qualifier de mosaïque nous raconte 700 ans d’une Histoire uchronique, dans laquelle l’Europe a été vidée de toute sa population aryenne par la Peste Noire (celle-là même que décrit Le Grand Livre). Naturellement, comme c’est un roman, l’auteur choisit de s’intéresser à des destins personnels, reliés d’une façon assez amusante, quoiqu’anecdotique dans l’idée : la réincarnation.
Car les dizaines de personnages ne sont en fait que les réincarnations successives de quelques archétypes qui se retrouvent entre leurs incarnations dans une espèce d’enfer à la grecque(1). Mais cela lui permet de brosser un tableau saisissant de ce qu’aurait pu être le monde sans le développemenbt vertigineux de la civilisation occidentale. On découvre ainsi au fil des pages un Léonard de Vinci et un Newton vivant en bons voisins à Samarkhand, une Marie Curie musulmane quelque part sur les côtes de France (je penche pour Bordeaux), des philosophes du siècle des Lumières au sud de l’Inde, un Christophe Colomb chinois débarquant dans le coin de Seattle, et bien d’autres choses étranges ou fascinantes. Ce roman est d’autant plus fascinant que cette uchronie n’est pas faite que de beauté. Car les civilisations musulmanes et chinoises (ainsi que d’autres plus étonnantes) s’affrontent presque en permanence au cours de ces 700 ans, avec un sommet atteint dans les dernières années avec une guerre ravalant les nôtres au rang d’escarmouches. Je ne sais pas si ça se voit déja dans ce non-résumé, mais j’ai énormément aimé ce roman. J’avais déja beaucoup apprécié les autres romans de Kim Stanley Robinson. Et je trouve qu’avec ce dernier, il réussit un authentique chef d’oeuvre tant par le thème choisi que par les développements qu’il choisit de lui donner. Ne serait-ce que dans le domaine de l’histoire des sciences, la construction de cette uchronie est particulièrement bien fichue, même si il suit somme toute fidèlement les développement de notre science, avec le calcul infinitésimal rendu nécessaire par l’amélioration des capacités des canons, les progrès de l’horlogerie indispensables à la navigation et tant d’autres imbrications assez classiques. Chaque point de cette histoire est abordé avec cette méthode, ce sérieux, cette construction qui font de ces chroniques un récit terriblement réaliste, et surtout terriblement humain.
Car l’humain n’est pas délaissé dans ces 700 pages. Je dirais même que l’accent est mis sur l’homme, dans son rapport à la foi (essentiel par exemple dans sa construction d’une culture pan-islamique) et à la civilisation (pour la Chine éternelle). Je trouve même ça incroyablement bien fait et instructif, pour ce que ça peut apprendre sur des religions et des cultures traditionnellement méconnues et en opposition avec notre style de vie occidental. Ici, en se débarrassant une bonne fois pour toute de l’occident, l’auteur leur permet de déployer tous les trésors qu’elles recèlent en leur sein(2). Il ne faut cependant pas penser qu’il s’agit du roman parfait. Certains défauts, notament l’‘écriture (et surtout le nombre de pages dans cette édition), en rendent la lecture assez longue, et parfois assez rebutante. Mais ces défauts ne sont pas tant dûs à un manque d’écriture qu’à une volonté de l’auteur de rendre les personnages vivants dans leurs dialogues. J’ai par exemple en tête les dialogues incroyablement profonds entre le philosophe musumlan et son épouse chinoise au sujet du choc des civilisations, où, pour difficile que ce soit à lire, on sent bien la différence de culture et de construction des arguments entre la chine et le monde musulman. Du reste, même cette distinction, qui est une des plus grandes forces de ce formidable roman, en rend aussi la lecture complexe puisque les chinois, avec leur empire puissament bureaucratique, ne peuvent pas vivre la vie des musulmans organisés en petits sultanats à l’organisation très féodale. Bref, c’est une plongée éthnologique et historique incroyable de richesse, dont j’ai particulièrement apprécié la dernière partie traitant, comme dans Les menhirs de glace du révisionisme historique. Je me demande même dans quelle mesure ce dernier chapitre n’est pas également un clin d’oeil au lecteur, afin de le pousser à jeter sur l’histoire officielle de toute l’Asie un oeil neuf et, surtout, détaché des considérations et constructions occidentales.
Voilà encore un des points qui font de ce roman l’un des livres les plus indispensables qui puissent se trouver dans une bibliothèque.

(1) Au sens de la mythologie grecque classique, où les champs élysées sont en enfer.
(2) C’est à mon sens notament le cas pour l’Islam, dont de nombreuses valeurs de partage, d’amour et d’égalité m’étaient totallement inconnues jusqu’à cette fascinante lecture.