Adam Ewing est un homme de loi américain, embarqué à bord d'une goélette partie de Nouvelle-Zélande et faisant route vers San Francisco, sa ville natale. Il n'a rien à voir avec Robert Frobisher, lequel, un siècle plus tard, se met au service d'un compositeur génial pour échapper à ses créanciers. Ni l'un ni l'autre ne peuvent connaître Luisa Rey, une journaliste d'investigation sur la piste d'un complot nucléaire, dans la Californie des années 1970. Ou Sonmi~451, un clone condamné à mort par un État situé dans le futur. Pourtant, si l'espace et le temps les séparent, tous ces êtres participent d'un destin commun, dont la signification se révèle peu à peu. Chaque vie est l'écho d'une autre et revient sans cesse, telle une phrase musicale qui se répéterait au fil d'innombrables variations. Comme Écrits fantômes (2004), Cartographie des nuages invite le lecteur à plonger dans un des univers romanesques les plus singuliers du XXIe siècle.

Review

Ce roman est une très habile construction, remplie de détails vraiment intéressants.
On y suit successivement six personnages à des moments clés de leur vie :
- Ewing, un notaire dans le pacifique du XIXème siècle
- Frobisher, un compositeur au début du XXème siècle
- Rey, une journaliste dans les années 70
- Cavendish, un éditeur que le succès tardif va précipiter dans des péripéthies ... rocambolesques
- Sommi~451, une quasi-personne dans une dystopie consumériste futuriste
- Zachry, un personnage indéfinissable, dans un futur lointain et, en quelque sorte, post-apocalyptique.
Et un peu comme dans L'Usage des armes, la construction romanesque est utilisée pour nous montrer à la fois différents points de vue, mais aussi différents niveaux de réalité. Et du coup, ça fait de ce roman quelque chose particulier. En effet, chaque récit est référencé par son successeur comme une histoire imaginaire, quand chaque récit futur est moins précis (parce que plus futur, naturellement). Du coup, il se dégage une espèce d'effet d'irréalité persistent que je trouve fascinant. Avec évidement comme bonus l'effet teaser permanent, qui donne fortement envie de passer à la suite.
Bon, cela dit, s'il n'y avait qu'un effet de style, ça serait un peu creux. Heureusement, il y a aussi dans ce roman une écriture qui travaille beaucoup sur le passé et l'avenir, sur les liens qu peuvent exister entre ces différents personnages (comme la fameuse histoire de la tâche de naissance, qui est beaucoup plus flou que de dire simplement "hop, ils ont tous une tâche de naissance"), sans toutefois oublier de placer pas mal d'action : des voyages, des enquêtes, des rebondissements, il y en aura dans chaque histoire, et ça aide également beaucoup.
Qui plus est, chaque personnage a, malgré le peu de pages qui lui est consacré et leur accumulation, une vraie personnalité, parfaitement retranscrite grâce à un style spécifique : journal, lettres, dialogue, tous ces styles seront mis à contribution pour varier les plaisirs du lecteur. Et plaisir il y aura, et nettement même ! En partant de styles vraiment bateaux (le journal d'Ewing et les lettres de Frobisher), l'auteur arrive à vraiment nous immerger dans les époques et les mentalités (typiquement, la vision raciste du monde d'Ewing est vraiment déplaisante, mais le personnage est malgré ça plaisant à suivre).
Et puis, après le côté passéiste d'Ewing, on passe assez rapidement (et particulièrement avec la confession d'Ommi~451) à une vision radicalement opposée du monde, qui est beaucoup plus proche de la mienne.
Bref, de la forme, du fond, du style, des personnages. Franchement, qu'est-ce que vous attendez pour le lire ? Que je vous dise que c'est de la SF ? Ne vous inquiétez pas, c'en est !