Non mais quelle histoire (ou plutôt quelles histoires) !
Dans les deux récits de cet ouvrage, on suit Bob Howard, agent de la Laverie (une agence d'état luttant contre les menaces occultes), dans sa lutte contre les forces du Maâal. Des forces du mal bien curieuses, d'ailleurs, puisqu'elles ressemblent furieusement à de grands anciens tentant de rentrer dans notre monde physique par le biais de portails créés grâce à l'utilisation de mathématiques plutôt sophistiquées et d'informatique encore plus tordue. Le meilleur, dans tout ça, étant bien sûr que Bob n'est pas un agent de terrain expérimenté, mais un authentique débutant, ayant d'ailleurs toujours un poste officiel d'admin pour cette même Laverie. Ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs, grâce à un flair certain, de se retrouver presque à chaque page dans des ennuis encore plus indépatouillables qu'à la page précédente, le moindre n'étant pas le terrifiant audit sur l'utilisation des trombones ...
J'utiliserais bien une phrase typique pour commencer à commenter ce roman (comme par exemple "pour parler franchement, j'ai bien aimé ce roman"), mais je ne suis pas sûr qu'elle rende complètement justesse à cette histoire invraisemblable.
Pour commencer, disons simplement que ce roman surfe, en quelque sorte, sur une espèce d'état d'esprit assez prometteur, mêlant le monde d'espionnage aux grands anciens typiquement lovecraftiens, en y ajoutant une couche de hacking bien sentie. Cet état d'esprit, c'est par exemple celui qu'on peut trouver, différents degrés, dans des films comme Men in Black,
Hellboy ou encore
Les puissances de l'invisible, avec toutefois une nuance d'importance. En effet, si dans les oeuvres mentionnées, les personnages sont d'authentiques héros, le personnage principal de ce roman ressemble plus (et même beaucoup plus) au Randy Waterhouse du Cryptonomicon : c'est un hacker, un bon, même, qui a pour emploi officiel l'administration système dans la branche bureaucratique de cette laverie. Naturellement, je n'ai pu qu'entrer en empathie avec un tel personnage, assez proche de mon style de vie (même si sa collocation est pour le moins étrange). Et je n'ai aussi pu que compatir quand il est soudainement passé du terrifiant monde de l'administration à celui encore plus délirant de l'action. Monde de l'action dans lequel, hélas, la mort n'est pas un terme bureaucratique signifiant la mise au placard, mais plutôt la réalité d'une diminution substantielle du métabolisme. Ce changement plonge d'ailleurs notre personnage principal dans une déprime tenace et très touchante, car loin de tous ces récits de surhommes voyant mourir des milliers de personnes sans frémir (tiens, au hasard,
Honor Harrington).
Pour résumer, nous avons donc un changement sympathique d'environnement, un personnage que j'ai trouvé vraiment sympa, et en bonus, de l'horreur. De l'horreur Cthulienne, mêlée en bonus à un peu d'horreur conspirationniste (RIAA et MPAA font ainsi un passage remarqué dans le second récit). Ce qu'il faut pour faire un bon bouquin.
Le bonus caché (et c'est là que je me tire dans le pied), c'est que l'auteur a livré avec ce roman une postface longue et très documentée expliquant précisément pourquoi c'est si bien *et* pourquoi il n'y a aucun rapport avec Les puissances de l'invisible - mis à part l'horreur invisible et le SOE anglais. Je dis que je me tire dans le pied, car les raisons qui font que ce roman est interpelant sont expliquées avec un lxue de détails dans cette postface. Et ces raisons sont précisément ce que j'ai paraphrasé dans cette chronique.
Bref, c'est un excellent bouquin, dont l'auteur démonte dans sa postface toute la brillante mécanique, ce qui en est en soi une raison supplémentaire de le lire.