Diamond Dogs :Richard Swift, cybergéniticien, est engagé par un vieil ami pour participer, aux côtés d'autres savants de tous bords, à une étrange expédition. Sur une planète morte, Golgotha, des scientifiques ont découvert l'existence d'une gigantesque tour, baptisée la Flèche. Elle renferme des secrets qui ont coûté la vie à bien des curieux si l'on en juge par les restes humains qui jonchent les abords de la tour... Dès leur entrée dans la Flèche, les membres de l'équipe sont confrontés, étage après étage, à des énigmes mathématiques de plus en plus complexes... et mortelles. Pourront-ils en réchapper et pourquoi ce monument-piège, quasi conscient, est-il planté au milieu de nulle part ?Turquoise Days :Naqi Okpik, jeune scientifique passionnée, étudie l'océan de la planète Turquoise. Ce monde abrite une entité appelée Mystif, une sorte de conscience organique au cœur de l'océan. Très mal connus par les humains, les Mystifs réagissent à toute sorte d'intrusion dans leur milieu aquatique. Les plongeurs qui s'y sont risqués ont laissé leur mémoire, leur empreinte au sein de cette immense conscience collective. Quand Naqi voit sa sœur tomber à l'eau et disparaître, elle n'a pas le temps de réagir ni de comprendre ce qui se passe, car un groupe de militaires débarquent sur Turquoise pour mener une prétendue enquête scientifique sur les Mystifs. Naqi devra défendre son monde et l'entité qui y vit, et peut-être pourra-t-elle rejoindre sa sœur et comprendre le véritable secret des Mystifs.

Review

Ce livre est un recueil de deux longues nouvelles se passant dans l’univers déja décrit dans ses romans du cycle de La Cité du Gouffre. Ces deux nouvelles très différentes sont fascinantes, et méritent chacune une lecture attentite.

Diamond dogs

Cette première nouvelle nous raconte les (més)aventures d’une bande d’aventuriers partis chercher ce qui se cache dans un artefact extra-terrestre perdu sur une planète isolée : la Tour de Sang. Vu le nom de l’artefact, on peut se douter que ça va mal se passer. Au début de la lecture, et après avoir lu l’intéressante préface de Sylvie Denis, je lisais cette aventure avec, il faut bien le dire, un détachement intrigué. Car le recrrutement des différents personnages, et l’explication du mystère qu’est la Tour de Sang ne sont pas très intéressants. Toutefois, lorsqu’ils sont à pied d’oeuvre et commencent à affronter les salles de cette Tour, tout change. Il y a en effet un stress qui se dégage d’eux, une aura de danger, qui rend alors cette aventure passionante. Et qui rend surtout la préface fausse.
En effet, celle-ci écrit que l’ascension de cette tour devrait être comparée à celle du K2, plutôt qu’au film Cube. Je crois, pour ma part, que les références de l’auteur pour ce récit ne sont pas forcément celles-là. A la rigueur, Cube a dû être utilisé, car comme dans ce film, la progression se fait en recherchant des solutions mathématiques, mais les punitions infligées lorsqu’elles sont incorrectes m’a plus fait penser à l’exploration de donjon des débuts du jeu de rôle. Mais la référence la plus évidente, car donnant son titre à cette nouvelle, se trouve à la fin : c’est 947. En effet, pour franchir les portes les plus avancées, les personnages sont obligés de se transformer en chiens mathématiciens cybernétiques, ce qui m’a furieusement rappelé la nouvelle ayant donné naissance à Johnny Mnemonic. Pour en revenir à l’intrigue, j’ai été fasciné par les transformations que les personnages subissent, et surtout par les raisons qui les poussent à se transformer. Parce que, pour la plupart d’entre nous, sauf peut-être pour les gens présentés sur http://modblog.bmezine.com (1) (attention, âmes sensibles s’abstenir), l’idée de remplacer un bras par sa version cybernétique est de l’ordre de la folie. Alors, se transformer en chien pour résoudre une énigme … c’est quand même pas gagné. L’autre question posée par ce roman est celle du libre arbitre laissé à un individu lorsqu’on lui implante des choses dans la tête. Car Richard, le héros, est au début très réticent à ces transformations et, bien que sachant que certaines machines placées peuvent influer sur sa décision, il prend quand même la décision de suivre le mouvement.
Bien sûr, le fait que ce soit une nouvelle implique que l’auteur a choisi de limiter la phase d’exposition des personnages. Mais ça ne suffit pas à expliquer sa (et même globalement pour tous les personnages) résignation : il accepte de continuer à chaque fois que l’organisateur de cette expédition le lui demande.

Turquoise days

Dans ce récit, on suit les aventures d’une scientifique éttudiant les fameux mystifs, déja vus dans le premier récit. Celle-ci cherche à savoir comment ces micro-organismes ont pu créer une espèce de mémoire à l’échelle planétaire et, surtout, à quoi ça sert ? Et bien sûr, comme on est dans l’univers d’Alastair Reynolds, les choses sont loin d’être aussi simples et certaines personnes souhaitent tout simplement détruire les mystifs, ce qui fait d’ailleurs le lien avec le premier récit ([rot13:]chvfdh’vy frzoyrenvg dhr yn Gbhe qr Fnat uéoretrnvg har nezr ovbybtvdhr crezrggnag yn qrfgehpgvba qrf zlfgvsf[/rot13:]). J’ai trouvé ce second récit moins intéressant que le premier, quoique pas moins référencé (comme par exemple La Face des eaux). on y retrouve en effet un océan animé d’intelligence par des êtres (cette fois microsocpique). Tiens, brutalement, je pense aussi à La baleine des sables et ses êtres étrangement adaptés.
Bref, les références sont claires, mais le récit est un peu diffus. Les personnages ne sont pas fascinants, les enjeux pas très clairs, même si la conclusion est terrifiante. Tout ça mis bout à bout, ce récit est intéressant, mais vraiment loin d’être inoubliable.

Conclusion

Bon, enfin, Turquoise days est inférieur, mais ça ne suffit vraiment pas à ôter son intérêt à ce livre, qui mérite sa place dans toutes les bibliothèques. En effet, l’univers des inhibiteurs est ici présenté de manière fragmentaire, certes, mais avec brio et, surtout, loin de la cité du goufre qui, bien qu’intéressante, laisse entrevoir dans les profondeurs de l’espace des merveilles inoubliables, que l’auteur choisit sciement d’oublier. Cette fois-ci, on a l’occasion de découvrir vraiment cet univers à la frange du space-opéra classique, plus proche en vérité d’une espèce de cyberpunk fortement mâtiné de gothique. Et c’est tout à fait formidable ! Lisez donc ce bouquin, qui plus que les romans du cycle de La cité du gouffre permet au talent de l’auteur de s’exprimer.
(1) Ce site présente des tatouages, scarifications, amputations volontaires et autres modifications corporelles parfois très extrêmes