Mariss est une fille de pêcheur, une rampante, recueillie à la mort de ses parents par Russ, un aérien. Élevée comme tel, elle découvre le bonheur de fendre les cieux, messagère portée par les vents, grâce aux Ailes léguées par les mythiques navigateurs stellaires de jadis. Hélas, le fils de Russ, Coll, est sur le point d'atteindre sa majorité. Les Ailes deviendront alors siennes, comme le veut la coutume. Commence alors pour la jeune femme un combat acharné pour garder un sens à sa vie, une lutte infinie qui aura des répercussions sur toute la planète. Mais peut-elle vraiment gagner, seule contre le poids des traditions ?

Review

Anciennement titré en français “Elle qui chevauche les tempêtes”(1), ce roman est en fait un recueil de trois grosses nouvelles (encadrées par un prologue et un épilogue). Et, histoire de gâcher complètement le suspense, je vous dis tout de suite que c’est un chef d’oeuvre du niveau des meilleures oeuvres de ma bibliothèque. Oui, j’ai adoré. Mais heureusement, je vais vous dire pourquoi.

D’abord, le monde décrit m’a parlé à un niveau difficilement imaginable. Forcément, en tant qu’ancien marin de mers pas forcément riantes, j’ai été séduit par ces îlots éparpillés dans une mer rarement calme. Ca m’a rappelé certaines images qu’on peut imaginer de la bretagne et du royaume uni, quand les tempêtes d’équinoxe font fumer la mer, et que les nuages traversent le ciel dans un galop ininterrompu. Bref, ça a totallement réveillé mon sens de la mer, mais aussi, et je pense que c’est assez logique, mon goût pour l’émerveillement. Et du coup, j’ai été totallement émerveillé, même si certains détails m’ont chagriné (mais j’y reviendrai plus loin).

Donc le décor était beau. Mais ça ne suffisait pas. Dans cet archipel plus celte(2) que tahitien, les auteurs nous parlent d’une société stratifiée par ses personnages les plus emblématiques : les aériens. Ces aériens sont une caste qui, grâce à un héritage hélas en voie de disparition, peuvent transmettre rapidement des messages d’une île à l’autre en planant sur les ailes du vent. Et ça, forcément, ça ne peut que faire rêver. Imaginez, voler grâce à des ailes qu’on enfile comme un costume. Planer au ras des flots, ou au-dessus des nuages. Laisser les ascendances nous conduire plus loin. Joli, non ?

Ca nous fait un beau décor, et un beau sujet. Reste à trouver une belle histoire. Connaissant l’auteur du trône de fer, on aurait pu s’attendre à un complot, à une machination, à du sang, à des morts tragiques … Je ne sais pas si c’est la présence de sa coauteur, et honnêtement j’en doute, mais il se trouve que ça n’est pas du tout ça. Le sujet choisi par les auteurs, c’est la lutte pour plus de fraternité et plus d’égalité dans un monde qui est loin d’être facile.

Ca nous donne trois très beaux combats sur la thème de la tolérance. Un premier, d’abord(3) où l’héroïne lutte pour conserver ses ailes. Un deuxième, qui nous montre qu’il faut savoir accepter et se battre pour la différence, même quand elle nous rebute. Et un dernier enfin, où notre héroïne entreprend de réunir ceux qu’elle a divisés, malgré le drame qu’elle vit(4). Chacun de ces trois combats est décrit avec une justesse, une finesse dans le traitement des différents personnages, un désir d’éviter le manichéisme qui m’ont paru tout bonnement fabuleux. Bref, c’était génial.

Pourtant, il y a quelques défauts dans ce roman si réussi. D’abord, un petit accroc dans la construction de sa réalité. En effet, la légende du peuplement de ce monde, c’est la panne d’un vaisseau de colonisation dans le système solaire de ce monde très océanique. Je ne sais pas, mais pour moi, quand on construit un vaisseau de colonisation, on s’arrange pour qu’il soit équipé pour coloniser. Et donc, on le munit de l’ensemble des outils nécessaires pour recréer une vie moderne sur ce monde. Ceci incluant des moyens de communication, de production d’énergie, des pllans de construction, ... Et ça, tout ça, semble avoir disparu lors de l’arrivée du vaisseau. C’est quand même rudement bizarre, non ? Bah, c’est pas bien grave, mais ça titille comme une dent creuse. Comme défauts, on trouve aussi ... on trouve, donc … Ben rien. Non, franchement, j’arrive pas à vous dire que c’est mièvre, parce que ça ne l’est pas. J’arrive pas à vous dire qu’il s’agit de nantis dans un monde pauvre, parce que ça n’est pas le cas. Donc, il n’y a qu’un défaut, pas forcément évident pour tout le monde.

Est-ce que ça vous suffit pour en faire un chef-d’oeuvre ? Moi, en tout cas, ça me suffit pour le placer pas loin de Thomas le Rimeur(5), de Kirinyaga, ou de Sans parler du chien, bref, tout en haut de la pile des chefs d’oeuvre.

Du coup, bien sûr, je vais vous conseiller, vous ordonner, vous supplier, vous implorer de le lire, ne serait-ce que pour la beauté du geste. Vous verrez, ce sera bien. Et vous aussi, en le refermant, vous aurez comme le sentiment de rentrer d’une balade en bord de mer, sur un bord de mer battu par les vents, à peine pratiquable, mais beau et sauvage.

(1) Un titre qui avait pour moi plus d’allure que le nouveau. M’enfin, je suis pas éditeur, moi.
(2) ou, à la rigueur néo-zélandais, patagonien, ou norvégien, enfin bref, des tas d’endroits dont on dit que la mer est belle, mais où personne ne met son maillot pour s’y baigner.
(3) Qui m’a inévitablement rappeler la nouvelle “Toucher le ciel” de Kirinyaga
(4) Oui, c’est un drame, et il faut le comprendre comme tel.
(5) Avec lequel il partage le privilège de m’avoir quasiment tiré des larmes.